Evangéline (Henry Wadsworth Longfellow) [troisième partie]
Evangéline est un très long et très épique poème de Henry Wadsworth Longfellow (plus de 3000 lignes et 20 000 mots) qui raconte la déportation des Acadiens.
Ce poème a eu un grand effet sur les cultures acadiennes et canadiennes (d'après Wikipedia).
La traduction en français est due à Pamphile Le May.
Poésie en vrac va publier petit à petit l'intégralité de ce poème incroyable.
Quand le soleil, au bourg, sur le large chemin
Donnait à la poussière un reflet de carmin,
Et quand, par son éclat, sur l'humble cheminée
Soudain la girouette était illuminée,
C'était là, sur le seuil, à l'approche du soir,
Que les femmes ensemble allaient toutes s'asseoir.
Jupon vert, rouge ou bleu, bonnet d'un blanc de neige,
Vieilles ou jeunes, là, chacune avait son siège,
Chacune, son rouet. Au tisserant malin
Il fallait bien fournir ou le chanvre, ou le lin.
La quenouille semblait un drapeau qu'on arbore.
La navette, en glissant sur le métier sonore,
Le fuseau qui tournait avec un gai frisson,
Au chant de la fileuse unissaient leur chanson.
Le pasteur du village, un modeste et saint prêtre,
Ne tardait pas longtemps d'ordinaire à paraître.
S'ils le voyaient venir sur le chemin poudreux,
Les enfants l'acclamaient et suspendaient leurs jeux.
Ils couraient au-devant, et puis, l'un après l'autre,
Pour se faire bénir, baisaient sa main d'apôtre -
Les femmes poliment se levaient tour à tour,
Heureuses de lui dire un bienveillant bonjour.
Fatigués, mais contents et remplis de courage,
Les paysans alors revenaient de l'ouvrage.
Le soleil émaillait la pente du côteau,
Et ses derniers rayons, comme des filets d'eau,
Jusqu'au fond du val glissaient de roche en roche.
De sa voix argentine, au même instant, la cloche
Annonçait l'Angélus et le retour du soir.
Molles vagues d'encens montant d'un encensoir,
Aussitôt, la fumée en colonnes bleuâtres,
Bien au-dessus des toits, montait de tous ces âtres
Où l'on goûtait la paix, le plus divin des biens.
Ainsi vivaient alors ces laboureurs chrétiens.
Ils servaient le Seigneur, et leur vie était sainte.
Ignorant les tyrans, ils ignoraient la crainte.
Des fausses libertés les enivrants banquets
Ne les séduisaient point. Ni verrous, ni loquets
Ne fermaient, dans la nuit, leur modeste demeure,
Et la porte s'ouvrait, comme l'âme, à toute heure.
Là, le riche était pauvre en son honnêteté,
Et le pauvre ignorait ce qu'est la pauvreté.
Sur le bord du Bassin qui baignait le village,
Au milieu de son champ, dans un nid de feuillage,
Demeurait un fermier, un vieillard au coeur droit,
Et le plus riche alors de cet heureux endroit.
Cet homme, il avait nom Benoît Bellefontaine.
Près de lui grandissait, dans ce joli domaine,
Sa fille, Évangéline, une adorable enfant.
Badinant à son tour, parfois philosophant,
Ce paysan plaisait. Il avait un air grave,
La stature et le bras que personne ne brave,
Une démarche ferme et soixante-dix ans.
Avec son teint de bronze et ses longs cheveux blancs,
Il était comme un chêne au milieu d'une lande,
Un chêne que la neige orne d'une guirlande.
Et son Évangéline, elle était belle à voir
Avec ses dix-sept ans, et son brillant oeil noir
Qu'ombrageait quelque peu sa brune chevelure,
Son oeil qu'on eut dit fait du velours de la mûre
Qui luit, près du chemin, aux branches d'un buisson.
Pour en savoir plus sur l'Acadie et Evangéline (avec notamment quelques cartes géographiques anciennes de l'Acadie) :