jeudi 26 juillet 2007

Retombée (Victor Segalen)

Je frappe les dalles. J'en éprouve la solidité. J'en écoute la sonorité.

Je me sens ferme et satisfait.

J'embrasse les colonnes. Je mesure leur jet, la portée, le nombre et

la plantation. je me sens clos et satisfait.

Me renversant, cou tendu, nuque douloureuse, je marche du regard

sur le parvis inverse et je sens mes épaules riches d'un lourd habit

cérémonieux, aux plis carrés, à la forte charpente.

Coulant du faîte, paisible horizon terrestre, aux bords du toit mûri

comme un manteau des moissons, - voici les Angles, acérés, griffus

et cornus.

Ces quatre cornes, qui menacent-elles dans le ciel ? Que découvrent

ces quatre doigts aux ongles longs ? Font-ils signe qu'il y a là-haut

quelqu'un qui regarde ?

Ce sont les quatre coins de la Tente originale, noués aux quatre liens

qui les relèvent, et, livrant avenue, déploient l'ample hospitalité.

Liens invisibles que prolonge l'au-delà des nues, où vont-ils se lier

eux-mêmes ? A quels piliers du Ciel, à quels poteaux du monde, à

quelles hampes dix mille fois élevées ?

Cet espace, crevé par les pointes, pénétré des neuf firmaments, qui

l'entoure et le contient ? Plus loin que les confins il y a l'Extrême,

et puis le Grand-Vide, et puis quoi ?

Est-ce là l'inquiétude désignée par ces doigts courbés aux ongles

longs ? - Mais voici, pas de réponse, et pas de signes, et point de

hauts mystères, et pas même de liens, même invisibles.

Puisque sous chacun des chevrons volants, accusant sa corne,

résolvant sa cambrure, j'aperçois le grossier piquet terrestre qui

le soutient et qui l'explique.