samedi 14 février 2009

La fleur qui fait le printemps (Théophile Gautier)

La carte du comptoir des vers a mis aujourd'hui à son menu la fleur qui fait le printemps un long poème botanique de Théophile Gautier.

A défaut, la carte du comptoir des poésies, sans aucun autre commentaire, propose aussi sa sélection :

- Edmond Rostand : tirade des nez de Cyrano de Bergerac, petit chat, sept moyens de monter dans la Lune, rois mages, l'hymne au soleil, nénuphars

- Arthur Rimbaud : le bateau ivre, voyelles, le dormeur du val, sensations, Vénus Anadyomène, chanson de la plus haute tour, ma Bohème, petites amoureuses, l'orgie parisienne

- Guillaume Apollinaire : le Pont Mirabeau, nuit rhénane, Marizibill, ô naturel désir, acousmate, Annie, l'adieu, la Victoire, à l'Italie, l'émigrant de Landor Road, dans l'abri-caverne, le chef de section, nocturne, le vigneron champenois, chant de l'horizon en Champagne, à la Santé

- Charles Baudelaire : l'albatros, les bijoux, je n'ai pas pour maîtresse une lionne illustre (prélude à Sarah), toute entière, le chat, confession, quand le ciel bas et lours pèse comme un couvercle, les ténèbres, le soleil, à celle qui est trop gaie, "j'ai plus de souvenirs que si j'avais mille ans", correspondances, une mendiante rousse, une martyre, à une dame créole

- Louis Aragon : l'étrangère, que serais-je sans toi ?, est-ce ainsi que les hommes vivent ?, Elsa, chambres d'un moment, chambre garnie, les mains d'Elsa, Elsa au miroir, Charlot mystique, nous dormirons ensemble, l'affiche rouge, un jour un jour, Santa Espina, la rose et le réséda, la belle italienne, j'arrive où je suis étranger, les yeux d'Elsa

- José Maria de Heredia : les conquérants, le voeu, le tepidarium, soir de bataille, le vitrail, la belle viole, l'esclave, fleurs de feu, Tranquillus

- Joachim du Bellay : heureux qui comme Ulysse, au fleuve de Loire


Les marronniers de la terrasse

Vont bientôt fleurir, à Saint-Jean,

La villa d'où la vue embrasse

Tant de monts bleus coiffés d'argent.

La feuille, hier encor pliée

Dans son étroit corset d'hiver,

Met sur la branche déliée

Les premières touches de vert.

Mais en vain le soleil excite

La sève des rameaux trop lents,

La fleur retardataire hésite

A faire voir ses thyrses blancs.

Pourtant le pêcher est tout rose,

Comme un désir de la pudeur,

Et le pommier, que l'aube arrose,

S'épanouit dans sa candeur.

La véronique s'aventure

Près des boutons d'or dans les prés,

Les caresses de la nature

Hâtent les germes rassurés.

Il me faut retourner encore

Au cercle d'enfer où je vis,

Marronniers, pressez-vous d'éclore

Et d'éblouir mes yeux ravis.

Vous pouvez sortir pour la fête

Vos girandoles sans péril,

Un ciel bleu luit sur votre faîte

Et déjà mai talonne avril.

Par pitié, donnez cette joie

Au poète dans ses douleurs,

Qu'avant de s'en aller, il voie

Vos feux d'artifice de fleurs.

Grands marronniers de la terrasse,

Si fiers de vos splendeurs d'été,

Montrez-vous à moi dans la grâce

Qui précède votre beauté.

Je connais vos riches livrées,

Quand octobre, ouvrant son essor,

Vous met des tuniques pourprées,

Vous pose des couronnes d'or.

Je vous ai vus, blanches ramées,

Pareils aux dessins que le froid

Aux vitres d'argent étamées

Trace, la nuit, avec son doigt.

Je sais tous vos aspects superbes,

Arbres géants, vieux marronniers,

Mais j'ignore vos fraîches gerbes

Et vos arômes printaniers.


Adieu, je pars lassé d'attendre,

Gardez vos bouquets éclatants !

Une autre fleur suave et tendre,

Seule à mes yeux fait le printemps.

Que mai remporte sa corbeille !

Il me suffit de cette fleur,

Toujours pour l'âme et pour l'abeille

Elle a du miel pur dans le coeur.

Par le ciel d'azur ou de brume

Par la chaude ou froide saison,

Elle sourit, charme et parfume,

Violette de la maison !