mercredi 5 novembre 2008

Dans l'abri-caverne (Guillaume Apollinaire)

A l'approche du quatre vingt dixième anniversaire du décès du poète le 9 novembre 1918, la série sur Guillaume Apollinaire (le Pont Mirabeau, Nuit Rhénane, l'Adieu, l'Emigrant de Landor Road, Ô naturel désir, Nocturne, A l'Italie, Acousmate, Marizibill, La Victoire, Le Chef de Section, Chant de l'Horizon en Champagne, Le Vigneron Champenois ...) se poursuit sur la carte du comptoir des vers avec encore un poème sur la première guerre mondiale.

Guillaume Apollinaire s'est engagé volontairement dès 1914 dans l'armée française et a combattu comme "poilu", particulièrement en 1915 sur le front de Champagne.
Cet engagement lui valut sa naturalisation
française en 1917 (il avait auparavant la nationalité polonaise de sa mère).
En 1916, le poète fut touché à la tête par un éclat d'obus. Cette blessure, difficilement soignable, affaiblit considérablement
Apollinaire qui mourut de la grippe espagnole juste avant l'armistice du 11 novembre 1918.
Bien que célèbre pour ses poèmes d'amour (notamment "
Pont Mirabeau"), Guillaume Apollinaire est avant tout le poète de la Grande Guerre et de ses horreurs.


Pour cause d'Apollinaire et de guerre de 1914-1918, la carte du comptoir des vers ne fournit plus d'
Arthur Rimbaud (Voyelles, Sensations, Ma Bohème, Chanson de la plus haute tour, le Dormeur du Val, le Bateau Ivre, Vénus Anadyomène, Petites amoureuses ou l'Orgie parisienne).


Je me jette vers toi et il me semble aussi que tu te jettes vers moi

Une force part de nous qui est un feu solide qui nous soude

Et puis il y a aussi une contradiction qui fait que nous ne pouvons nous apercevoir

En face de moi la paroi de craie s'effrite

Il y a des cassures

De longues traces d'outils traces lisses et qui semblent être faites dans de la stéarine

Des coins de cassures sont arrachés par le passage des types de ma pièce

Moi j'ai ce soir une âme qui s'est creusée qui est vide

On dirait qu'on y tombe sans cesse et sans trouver de fond

Et qu'il n'y a rien pour se raccrocher

Ce qui y tombe et qui y vit c'est une sorte d'êtres laids qui me font mal et qui viennent de je ne sais où

Oui je crois qu'ils viennent de la vie d'une sorte de vie qui est dans l'avenir dans l'avenir brut qu'on n'a pu encore cultiver ou élever ou humaniser

Dans ce grand vide de mon âme il manque un soleil il manque ce qui éclaire

C'est aujourd'hui c'est ce soir et non toujours

Heureusement que ce n'est que ce soir

Les autres jours je me rattache à toi

Les autres jours je me console de la solitude et de toutes les horreurs

En imaginant ta beauté

Pour l'élever au-dessus de l'univers extasié

Puis je pense que je l'imagine en vain

Je ne la connais par aucun sens

Ni même par les mots

Et mon goût de la beauté est-il donc aussi vain

Existes-tu mon amour

Ou n'es-tu qu'une entité que j'ai créée sans le vouloir

Pour peupler la solitude

Es-tu une de ces déesses comme celles que les Grecs avaient douées pour moins s'ennuyer

Je t'adore ô ma déesse exquise même si tu n'es que dans mon imagination