dimanche 4 novembre 2007

L'incendie du bazar (Petrus Borel)

J'habite la montagne et j'aime à la vallée.


Ô toi, dont j'avais fait l'emplette

Pour danse au bois neige-noisette !

L'as-tu toujours, ma Jeanneton,

Ton jupon blanc, ton blanc jupon ?

Pour quelque muscadin, matière à comédie

Ne va pas m'oublier dans ce coquet bazar,

Où tu trône au comptoir. Colombine hardie !

Perçant l'horizon gris d'un oeil au vif regard,

Flamboyant vois mon coeur, d'amour vois l'incendie !

Et si tu l'as encore, écris-moi, Jeanneton,

Ton jupon blanc, ton blanc jupon.

Au feu ! au feu ! au feu ! la Vierge à perdre haleine

Court... le bazar rissole ! au feu ! au feu ! au feu !

N'est-ce pas Margoton, Cathin ou Madeleine ?... -

Non, c'est la demoiselle au gendarme Mathieu.

Fleur d'un jour, du ciel noir à la lueur soudaine,

Fuis !... et si tu l'emporte, écris-moi, Jeanneton,

Ton jupon blanc, ton blanc jupon ?

Plus que feu, grand mangeur, crains l'ardeur déréglée

Du bourgeois camisard, du rustre porteur d'eau,

Du beau sapeur-pompier, à coiffe ciselée,

Gare au rapt ! une fille est un léger fardeau.

À Blois, vers ton Titi, clerc à l'âme isolée,

Vole !... et si tu l'emporte, écris-moi, Jeanneton,

Ton jupon blanc, ton blanc jupon.

Ô toi, dont j'avais fait l'emplette

Pour danse au bois neige-noisette !

L'as-tu sauvé, ma jeanneton,

Ton jupon blanc, ton blanc jupon !