mardi 4 décembre 2007

Evangéline (Henry Wadsworth Longfellow) [vingtième partie]

Evangéline est un très long et très épique poème de Henry Wadsworth Longfellow (plus de 3000 lignes et 20 000 mots) qui raconte la déportation des Acadiens.
Ce poème a eu un grand effet sur les cultures acadiennes et
canadiennes (d'après Wikipedia).
La traduction en
français est due à Pamphile Le May.
Poésie en vrac va publier petit à petit l'intégralité de ce poème incroyable.

Alors que fut fini le repas copieux,
Il alluma sa pipe et parla de la sorte :
«Oui, vous tous, mes amis, qui frappez à ma porte,
«Après avoir erré sous des cieux inconnus,
«Je vous le dis encor, soyez les bienvenus!
«L'âme du forgeron ne s'est pas refroidie.
«Il se souvient toujours de sa belle Acadie,
«Et de l'humble maison qu'il avait à Grand-Pré.
«Pour lui le malheureux est un être sacré.
«Demeurez avec moi dans ces fertiles plaines.
«Le sang n'y gèle pas, croyez-le, dans nos veines,
«Comme chez-nous, l'hiver. Dans le sol nuls cailloux
«Du laboureur actif n'excitent le courroux,
«Point d'insectes méchants. Et, dans chaque domaine
«La mordante charrue, au printemps, se promène
«Comme un esquif léger sur la nappe des eaux.
«On ne voit pas tarir nos limpides ruisseaux.
«Dans toutes les saisons les orangers fleurissent,
«Et les fruits les plus beaux en nos vergers mûrissent.
«Des flots de blonds épis roulent sur les guérets,
«Et des bois précieux remplissent les forêts.
«Au milieu de nos prés on voit sans cesse paître
«De sauvages troupeaux dont chacun est le maître.
«Quand nos toits sont debout au milieu des moissons,
«Que nos grasses brebis aux épineux buissons
«Accrochent, en passant, leurs blancs flocons de laine,
«Que d'un foin parfumé chaque grange est bien pleine,
«Que dans les prés en fleurs qui s'étendent là-bas.
«Les génisses vont paître ou prendre leurs ébats,
«Nul roi Georges ne vient, par d'infâmes apôtres,
«sans honte nous ravir tous ces biens qui sont nôtres.»

De sa large narine, alors, le laboureur
Fit jaillir tout à coup un souffle de fureur,
Et frappa de son poing la table de mélèze.
Ses compagnons, surpris, bondirent sur leur chaise,
Et le père Félix oublia, cette fois,
La prise de tabac qu'il tenait dans ses doigts.
Mais un instant après, le sourire sur les lèvres,
Il ajouta : «Pourtant, défiez-vous des fièvres:
«Elles sont bien à craindre en ces brûlants climats.
«Comme dans l'Acadie on ne les guérit pas
«En mettant à son cou, durant mainte journée,
«Une écale de noix avec une araignée.»

Pour en savoir plus sur l'Acadie et Evangéline (avec notamment quelques cartes géographiques anciennes de l'Acadie) :