Les dimanches : tant de tristesse et tant de cloches (Georges Rodenbach)
En ce dimanche de pluie, en attendant un hypothétique réapprovisionnement en Arthur Rimbaud et en voyelles mais aussi en Guillaume Apollinaire, en pont Mirabeau et en Nuit Rhénane, la carte du comptoir des vers propose l'opus de Toussaint d'un symboliste de Belgique.
Les dimanches : tant de tristesse et tant de cloches !
Volets fermés, outils au repos, piano
Grêlement tapoté par des doigts sans anneau,
Des doigts de vierges dont les coeurs sont sans reproches.
Solitude où quelques passants ; vêpres qui geint ;
Couleur de demi-deuil planant sur les dimanches,
Avec de la fumée en lentes vapeurs blanches
Et du triste dans l'air comme un jour de Toussaint.
Silence des quartiers monotones. L'espace
Est indistinct, d'un vague où tout semble éloigné ;
Et l'on entend, tandis que le soir a saigné,
Les lointains cris d'enfants en oubli de la classe.
Sois-même, dans la rue, on regrette les bons
Naguères parmi la maison familiale
Et son enfance et l'âme en ce temps liliale
Et la tiède chaleur de lampe et de charbons.
Les dimanches : tant de tristesses ! Tant de cloches
Vers le faubourg où la lenteur des pas conduit ...
Une lanterne en ce commencement de nuit
S'éclaire doucement comme un oeil qui reproche.
L' horizon noir ressemble à des linceuls cousus ...
Puis voici qu'un second réverbère s'allume
Triste, si triste au loin, clignotant dans la brume,
Tous deux, - comme les yeux d'enfants qu'on n'a pas eus.