Problème ou Ballade de la Fortune (François Villon)
Poème tour, poème tunisien ou poème économique ? (le tout dans un français archaïque pas si éloigné du français de Twitter ou des SMS)
Fortune fus par clercs jadis nommée,
Que toi, François, crie et nomme meurtrière,
Qui n'es homme d'aucune renommée.
Meilleur que toi fais user en plâtrière,
Par pauvreté, et fouir en carrière ;
S'à honte vis, te dois-tu doncques plaindre ?
Tu n'es pas seul ; si ne te dois complaindre.
Regarde et vois de mes faits de jadis,
Maints vaillants hommes par moi morts et roidis ;
Et n'es, ce sais, envers eux un souillon.
Apaise-toi, et mets fin en tes dits.
Par mon conseil prends tout en gré, Villon !
Contre grands rois me suis bien animée,
Le temps qui est passé ça en arrière :
Priam occis et toute son armée,
Ne lui valut tour, donjon ni barrière ;
Et Hannibal demoura-il derrière ?
En Carthage par Mort le fis atteindre ;
Et Scipion l'Africain fis éteindre ;
Jules César au Sénat je vendis ;
En Egypte Pompée je perdis ;
En mer noyai Jason en un bouillon ;
Et une fois Rome et Romains hardis.
Par mon conseil prends tout en gré, Villon !
Alexandre, qui tant fit de hemée,
Qui voulut voir l'étoile poussinière,
Sa personne par moi fut envlimée ;
Alphasar roi, en champ, sur sa bannière
Rué jus mort. Cela est ma manière,
Ainsi l'a fait, ainsi le maintiendrai :
Autre cause ne raison n'en rendrai.
Holofernes l'idolâtre maudis,
Qu'occit Judith (et dormoit entandis !)
De son poignard, dedans son pavillon ;
Absalon, quoi ? en fuyant le pendis.
Par mon conseil prends tout en gré, Villon !
Pour ce, François, écoute que te dis :
Se rien pusse sans Dieu de Paradis,
A toi n'autre ne demourroit haillon,
Car, pour un mal, lors j'en feroie dix.
Par mon conseil prends tout en gré Villon !