samedi 24 novembre 2007

Evangéline (Henry Wadsworth Longfellow) [sixième partie]

Evangéline est un très long et très épique poème de Henry Wadsworth Longfellow (plus de 3000 lignes et 20 000 mots) qui raconte la déportation des Acadiens.
Ce poème a eu un grand effet sur les cultures acadiennes et
canadiennes (d'après Wikipedia).
La traduction en
français est due à Pamphile Le May.
Poésie en vrac va publier petit à petit l'intégralité de ce poème incroyable.

Ainsi, loin des ennuis,
Comme un songe doré leurs jours s'étaient enfuis.
Ils n'étaient plus enfants à l'époque où se passe
Le récit douloureux qu'il faut que je vous fasse.
Gabriel revêtait la fraîcheur des matins,
Et son front réjoui rêvait d'heureux destins.
Dans ses chastes espoirs, ses douces clartés d'âme,
Évangéline aimait et se révélait femme.
On l'avait à bon droit surnommée, au hameau,
Le soleil de la Sainte-Eulalie. Au rameau
Ce soleil fait mûrir les fruits en abondance,
Disaient les paysans; elle, par sa prudence,
Elle saura remplir le foyer de l'époux
De gaieté, de vertus, et d'enfants blonds et doux.

Déjà l'on arrivait à ce temps de l'année
Où plus rien ne fleurit sur la plaine fanée,
Où le soleil tardif est pâle et sans chaleur,
Où la nuit froide au pauvre apporte la douleur.
En bandes réunis, les oiseaux de passage
Sous un ciel noir et lourd volaient comme un nuage,
Des régions de glace où tout sombre et périt,
Aux îles où toujours un ciel d'azur sourit.

La moisson était faite; elle emplissait la grange.
Arbres et vents luttaient comme Jacob et l'ange.
Tout disait que l'hiver allait être cruel:
La ruche était fermée. Elle gardait le miel
Butiné sur les fleurs par les abeilles sages.
Le chasseur indien, qui connaît les présages,
Annonçait de grands froids, parce que nulle part
Sans un pelage épais se montrait le renard.

Après l'été brûlant, ainsi venait l'automne.
Mais ce temps enchanteur dont la clémence étonne,
Et qu'on nomme, au hameau, l'été de la Toussaint,
Ranima le coeur triste et le soleil éteint.
Une douce lumière où s'échauffaient les rêves,
Descendait sur les bois, sur les champs, sur les grèves.
L'univers rayonnant semblait, dans sa splendeur,
Nouvellement sorti des mains du Créateur.
Une volupté pure inondait notre monde :
On entendait passer le souffle qui féconde.
L'océan s'endormait en berçant des flots verts.
Un hymne harmonieux de tous ces bruits divers
S'était formé. Les cris des enfants dans leurs courses,
Le chant du coq jaloux, le murmure des sources,
Et les roucoulements des fidèles pigeons,
Le babil des oiseaux au milieu des ajoncs,

Les plaintes de la brise, et les battements d'ailes
Derrière les replis des sylvestres dentelles,
Dans un réveil d'aurore ou dans un vol d'amour
De ces jours enchanteurs tout fêtait le retour.

Pour en savoir plus sur l'Acadie et Evangéline (avec notamment quelques cartes géographiques anciennes de l'Acadie) :