vendredi 13 juillet 2007

La montre (Théophile Gautier)

Deux fois je regarde ma montre,

Et deux fois à mes yeux distraits

L'aiguille au même endroit se montre ;

Il est une heure... une heure après.

La figure de la pendule

En rit dans le salon voisin,

Et le timbre d'argent module

Deux coups vibrant comme un tocsin.

Le cadran solaire me raille

En m'indiquant, de son long doigt,

Le chemin que sur la muraille

A fait son ombre qui s'accroît.

Le clocher avec ironie

Dit le vrai chiffre et le beffroi,

Reprenant la note finie,

A l'air de se moquer de moi.

Tiens ! la petite bête est morte.

Je n'ai pas mis hier encor,

Tant ma rêverie était forte,

Au trou de rubis la clef d'or !

Et je ne vois plus, dans sa boîte,

Le fin ressort du balancier

Aller, venir, à gauche, à droite,

Ainsi qu'un papillon d'acier.

C'est bien de moi ! Quand je chevauche

L'Hippogriffe, au pays du Bleu,

Mon corps sans âme se débauche,

Et s'en va comme il plaît à Dieu !

L'éternité poursuit son cercle

Autour de ce cadran muet,

Et le temps, l'oreille au couvercle,

Cherche ce coeur qui remuait ;

Ce coeur que l'enfant croit en vie,

Et dont chaque pulsation

Dans notre poitrine est suivie

D'une égale vibration,

Il ne bat plus, mais son grand frère

Toujours palpite à mon côté.

- Celui que rien ne peut distraire,

Quand je dormais, l'a remonté !