L'amazone (François Coppée)
Devant le frais cottage au gracieux perron,
Sous la porte que timbre un tortil de baron,
Debout entre les deux gros vases de faïence,
L'amazone, déjà pleine d'impatience,
Apparaît, svelte et blonde, et portant sous son bras
Sa lourde jupe, avec un charmant embarras.
Le fin drap noir étreint son corsage, et le moule ;
Le mignon chapeau d'homme, autour duquel s'enroule
Un voile blanc, lui jette une ombre sur les yeux.
La badine de jonc au pommeau précieux
Frémit entre les doigts de la jeune élégante,
Qui s'arrête un moment sur le seuil et se gante.
Agitant les lilas en fleur, un vent léger
Passe dans ses cheveux et les fait voltiger.
Blonde auréole autour de son front envolée :
Et, gros comme le poing, au milieu de l'allée
De sable roux semé de tout petits galets,
Le groom attend et tient les deux chevaux anglais.
Et moi, flâneur qui passe et jette par la grille
Un regard enchanté sur cette jeune fille,
Et m'en vais sans avoir même arrêté le sien,
J'imagine un bonheur calme et patricien,
Où cette noble enfant me serait fiancée ;
Et déjà je m'enivre à la seule pensée
Des clairs matins d'avril où je galoperais,
Sur un cheval très vif et par un vent très frais,
A ses côtés, lancé sous la frondaison verte.
Nous irions, par le bois, seuls, à la découverte ;
Et, voulant une image au contraste troublant
Du long vêtement noir et du long voile blanc,
Je la comparerais, dans ma course auprès d'elle,
A quelque fugitive et sauvage hirondelle.