Evangéline (Henry Wadsworth Longfellow) [dix-huitième partie]
Evangéline est un très long et très épique poème de Henry Wadsworth Longfellow (plus de 3000 lignes et 20 000 mots) qui raconte la déportation des Acadiens.
Ce poème a eu un grand effet sur les cultures acadiennes et canadiennes (d'après Wikipedia).
La traduction en français est due à Pamphile Le May.
Poésie en vrac va publier petit à petit l'intégralité de ce poème incroyable.
Au bord de la rivière, en un charmant endroit,
Un endroit où régnait la paix, luisait le toit
Dont les proscrits, de loin, avaient vu la fumée.
Un chêne l'ombrageait. La mousse parfumée
Et le gui merveilleux qu'en la nuit de Noël
Venait couper, selon le rite solennel,
Avec la serpe d'or, le mystique druide,
Grimpaient légèrement au chêne, leur égide.
C'était le toit d'un pâtre. Il était large et bas.
Un jardin l'entourait où les fleurs, sous les pas
Des visiteurs ravis, versaient d'étranges baumes.
Derrière ce jardin se déroulaient les chaumes.
On avait abattu, dans un bosquet, tout près,
Pour bâtir la maison, les plus altiers cyprès.
Des poteaux élégants portaient la galerie ;
Et la vigne légère, et la rose fleurie,
Que venait caresser l’oiseau-mouche coquet,
Ornaient tous ces poteaux d'un odorant bouquet.
Au bout, presque cachés sous la ramure épaisse,
Sans cesse bourdonnant et roucoulant sans cesse,
Étaient l'ardente ruche et le doux colombier:
L'abeille travailleuse et l'amoureux ramier.
Ces lieux étaient plongés dans un calme sublime,
Les rayons du soleil doraient encor la cime
Des bois mystérieux qui frangeaient l’horizon,
Mais les ombres déjà planaient sur la maison.
La fumée, en sortant des hautes cheminées,
Formait des orbes bleus, des vagues satinées,
Qui rayaient le ciel pur, comme un rustique andain
Raie un champ que l'on fauche. Et, parti du jardin,
Derrière la maison, par un bosquet de chêne,
Un sentier conduisait, large ruban d'ébène,
Jusque à la prairie où de chaudes lueurs
Le soleil inondait les gazons et les fleurs.
Et c'était comme un lac dont les ondes bénignes
Auraient dormi. Les ifs où s'accrochaient les vignes,
Sombres dans l'or du soir, paraissaient des vaisseaux
Que le calme profond enchaînait sur les eaux.
Sur un cheval ardent qui hennit et folâtre,
Des bords de la forêt, voici venir un pâtre.
Il revêt un pourpoint fait de peau de chevreuil.
Sa figure bronzée a presque de l’orgueil
Quand ,sous le sombrero, son regard se promène,
Satisfait et ravi, sur l’admirable scène
Qu'autour de lui le soir déroule lentement.
Les troupeaux, çà et là, broutent paisiblement
La pointe du gazon et la feuille moelleuse.
Ils savourent surtout la fraîcheur vaporeuse
Qui s’élève de l’onde et s'étend sur le pré.
Arrêtant son cheval sur le champ diapré,
Il prend le cor vibrant que sa ceinture porte,
Et souffle une clameur, à la fois douce et forte,
Qui va se perdre au loin dans les brumes du soir.
Au signal familier, aussitôt, l'on put voir
Les troupeaux attentifs lever leurs cornes blanches,
Au-dessus du foin vert et des légères branches,
Comme des flots d'écume au-dessus des cailloux.
En silence, d'abord, ouvrant leurs grands yeux roux,
Pendant une minute ils regardent, hésitent,
Et puis, tous en beuglant soudain se précipitent
Comme un nuage épais dans les champs élargis.
Et le berger vaillant revient à son logis.
Et, comme il arrivait sur son cheval superbe,
Par la sente battue en l'épaisseur de l’herbe,
Il voit, près du jardin, la vierge et le pasteur
Qui s'avancent vers lui, marchant avec lenteur,
Et comme intimidés. Ravis de l’aventure,
Il s'arrête, d'un bond descend de sa monture,
Et court au-devant d'eux en leur ouvrant ses bras.
Les voyageurs, d'abord, restent dans l’embarras;
Mais, sous les traits brunis de ce vieux pâtre agile,
Ils retrouvent bientôt le forgeron Basile.
Pour en savoir plus sur l'Acadie et Evangéline (avec notamment quelques cartes géographiques anciennes de l'Acadie) :