dimanche 16 novembre 2008

Arbre (Guillaume Apollinaire)

La carte du comptoir des vers allonge sa série Guillaume Apollinaire (le Pont Mirabeau, Nuit Rhénane, l'Adieu, l'Emigrant de Landor Road, Ô naturel désir, Nocturne, A l'Italie, Acousmate, Marizibill, La Victoire, Le Chef de Section, Chant de l'Horizon en Champagne, Le Vigneron Champenois, Dans l'Abri-caverne, Annie, A la Santé ...) avec une oeuvre sylvestre.

Pour cause d'Apollinaire, la carte du comptoir des vers stoppe pour l'instant l'
Arthur Rimbaud (Voyelles, Sensations, Ma Bohème, Chanson de la plus haute tour, le Dormeur du Val, le Bateau Ivre, Vénus Anadyomène, Petites amoureuses ou l'Orgie parisienne).


Tu chantes avec les autres tandis que les phonographes galopent

Où sont les aveugles où s'en sont-ils allés

La seule feuille que j'aie cueillie s'est changée en plusieurs mirages

Ne m'abandonnez pas parmi cette foule de femmes au marché

Ispahan s'est fait un ciel de carreaux émaillés de bleu

Et je remonte avec vous une route aux environs de Lyon

Je n'ai pas oublié le son de la clochette d'un marchand de coco d'autrefois

J'entends déjà le son aigre de cette voix à venir

Du camarade qui se promènera avec toi en Europe

Tout en restant en Amérique

Un enfant

Un veau dépouillé pendu à l'étal

Un enfant

Et cette banlieue de sable autour d'une pauvre ville au fond de l'est

Un douanier se tenait là comme un ange

À la porte d'un misérable paradis

Et ce voyageur épileptique écumait dans la salle d'attente des premières

Engoulevent Blaireau

Et la Taupe-Ariane

Nous avions loué deux coupés dans le transsibérien

Tour à tour nous dormions le voyageur en bijouterie et moi

Mais celui qui veillait ne cachait point un revolver armé

Tu t'es promené à Leipzig avec une femme mince déguisée en homme

Intelligence car voilà ce que c'est qu'une femme intelligente

Et il ne faudrait pas oublier les légendes

Dame-Abonde dans un tramway la nuit au fond d'un quartier désert

Je voyais une chasse tandis que je montais

Et l'ascenseur s'arrêtait à chaque étage

Entre les pierres

Entre les vêtements multicolores de la vitrine

Entre les charbons ardents du marchand de marrons

Entre deux vaisseaux norvégiens amarrés à Rouen

Il y a ton image

Elle pousse entre les bouleaux de la Finlande

Ce beau nègre en acier

La plus grande tristesse

C'est quand tu reçus une carte postale de La Corogne

Le vent vient du couchant

Le métal des caroubiers

Tout est plus triste qu'autrefois

Tous les dieux terrestres vieillissent

L'univers se plaint par ta voix

Et des êtres nouveaux surgissent

Trois par trois