Michel et Christine (Arthur Rimbaud)
La carte du comptoir des vers, après plus d'un mois de rputure totale d'approvisionnenement, reprend sa série sur la matière première du poème le pied avec la suite de l'exploitation d'un filon inespéré d'Arthur Rimbaud.
La livraison d'aujourd'hui est un poème méconnu, un peu en retrait toutefois par rapport à Voyelles, Sensations, Ma Bohème, Chanson de la plus haute tour, le Dormeur du Val, le Bateau Ivre, Vénus Anadyomène, Mes petites amoureuses ou même l'Orgie parisienne.
Malheureusement Guillaume Apollinaire (le Pont Mirabeau, Nuit Rhénane, l'Adieu ...) est toujours aux abonnés absents ...
Zut alors, si le soleil quitte ces bords !
Fuis, clair déluge ! Voici l'ombre des routes.
Dans les saules, dans la vieille cour d'honneur,
L'orage d'abord jette ses larges gouttes.
Ô cent agneaux, de l'idylle soldats blonds,
Des aqueducs, des bruyères amaigries,
Fuyez ! plaine, déserts, prairie, horizons
Sont à la toilette rouge de l'orage !
Chien noir, brun pasteur dont le manteau s'engouffre,
Fuyez l'heure des éclairs supérieurs ;
Blond troupeau, quand voici nager ombre et soufre,
Tâchez de descendre à des retraits meilleurs.
Mais moi, Seigneur ! voici que mon esprit vole,
Après les cieux glacés de rouge, sous les
Nuages célestes qui courent et volent
Sur cent Solognes longues comme un railway.
Voilà mille loups, mille graines sauvages
Qu'emporte, non sans aimer les liserons,
Cette religieuse après-midi d'orage
Sur l'Europe ancienne où cent hordes iront !
Après, le clair de lune ! partout la lande,
Rougis et leurs fronts aux cieux noirs, les guerriers
Chevauchent lentement leurs pâles coursiers !
Les cailloux sonnent sous cette fière bande !
Et verrai-je le bois jaune et le val clair,
L'Epouse aux yeux bleus, l'homme au front rouge, ô Gaule,
Et le blanc Agneau Pascal, à leurs pieds chers,
Michel et Christine, - et Christ ! - fin de l'Idylle.