vendredi 27 juillet 2007

Je voudrais aller me promener dans les bois (Marie Nervat)

Je voudrais aller me promener dans les bois ;

j'aurais un grand chapeau, une robe légère,

je me griserais d'air et de bonne lumière,

et tu me rapprendrais à marcher à ton bras.

Je voudrais aller dans un grand bois, un vieux bois,

où l'on dit que les fées se promènent encore ;

peut-être en attendant du soir jusqu'à l'aurore,

qu'une d'elles nous laisserait ouïr sa voix.

Moi je n'ai pas vu d'arbres depuis si longtemps,

ni de fleurs dans les jardins !
Celles que tu portes,

et que tu poses sur mon lit, à moitié mortes,

achèvent de mourir dans les appartements.

Ce ne sont pas de vraies fleurs libres sous le ciel ;

elles ont des robes rouges trop tuyautées,

puis, sur les draps, on dirait des taches figées,

taches de sang qui font plus pâles mes mains frêles.

J'aime mes mains à présent, elles sont si blanches !

je vois les petites veines bleues sous la peau,

je n'ai gardé à ma main gauche que l'anneau,

l'anneau d'or que tu m'as donné avec ton âme.

Mes pauvres mains ont l'air si lasses sur les draps !

Ah ! je voudrais sortir, marcher, je me sens forte,

je voudrais fuir bien loin, et refermer la porte

sur cette chambre monotone de malade.