mercredi 18 juillet 2007

Triste penser en prison trop obscure (François Ier roi de France)

Triste penser, en prison trop obscure,

L'honneur, le soin, le devoir et la cure

Que je soutiens des malheureux soudards,

Devant mes yeux desquels j'ai la figure,

Qui par raison et aussi par nature

Devaient mourir entre piques et dards,

Plutôt que voir fuir leurs étendards,

Quand de te voir j'ai perdu l'espérance.

Me font perdre de raison l'attrempance.

Toujours Amour par fermeté procure

Qu'à désespoir point ne fasse ouverture ;

Mais tous malheurs viennent de tant de parts

Qu'ils me rendent indigne créature,

Tant que d'erreur à mon chef fais ceinture.

Ces yeux baignés vers toi font les regards,

Ne faisant plus contre ennui les remparts ;

Si n'est avoir ton nom en révérence,

Quand de te voir j'ai perdu l'espérance.

Mais je ne sais pourquoi tourna l'augure

En mal sur moi : car ma progéniture

Eut tant de bien, qu'en tous lieux fut épars.

Plaisir pour deuil était lors leur vêture ;

Plaisante et douce y semblait nourriture

De leurs sujets gardant brebis en parcs,

Toujours battirent lions et léopards ;

Mais j'ai grand'peur n'avoir tel heur en France,

Quand de te voir j'ai perdu l'espérance.

Oh ! grande Amour, éternel, sans rupture,

Dont l'infini est juste la mesure,

Dis-moi, perdrai-je à jamais ta présence ?

Donc, brief verras sur moi la sépulture :

L'esprit à toi, pour le corps pourriture,

Quand de te voir j'ai perdu l'espérance.