samedi 28 juillet 2007

Le corps ferme comme une jeune rose (Odilon Jean Périer)

Le corps ferme comme une jeune rose

Celle qu'Amour ne désunissait pas

Qui disposait pour nous entre les choses

L'oeuvre excellente et pure de ses pas

Dont les cheveux donnaient le goût de vivre

Et dont les mains faisaient le pain doré

- N'était-ce rien qu'un instant d'équilibre

Par un miracle au hasard préservé ?

Pour un sourire elle consent au monde

Elle s'accorde ou se rompt au plaisir,

Toute inclinée et mêlée à son ombre

Le corps défait par un pauvre désir

Mais qui l'avait de neige couronnée

Comme il la tient perdue entre ses bras

Ayant goûté sa bouche humiliée

Amèrement s'en détache et s'en va

Il s'en va seul, ruiné, regrettant son courage.

Il voit de grosses mains se poser sur ses dieux

Les dames se repeindre et rire les messieurs

L'or aux dents, le soleil au milieu du visage

Il voit de beaux enfants rayonnants de jeunesse

Tendrement sous les bras saisissant une chair

Donner de leur substance à des femmes ouvertes

Et chercher de l'amour dans ces ventres déserts

Il voit briller l'éclair sur les maisons du monde,

Les morts en habit noir dans les fêtes de nuit,

Les lâches, les tricheurs, enfermés par la honte,

Que le jour du seigneur trouve nus dans leur lit

Il voit se dénouer le coeur des jeunes filles

Celle-ci recevoir un baiser triste et bas,

Celle-là prisonnière aux genoux d'une amie,

Cette autre douce-ardente, et seule, dans ses bras.

Il voit le peuple humain s'enivrer de soi-même.

- Qu'il montre sa blessure, on y met un baiser -

Mais comment pourrait-il accepter ce qu'ils aiment ?

Il veut pour sa patrie un sol immaculé

Les arbres parlent seuls dans le vent de la ville

Ils gardent leurs secrets, ils perdent leurs oiseaux

- Mais on fait ce qu'on veut de leur force immobile

Et leurs maîtres les ont plantés sur des tombeaux

La mer toute-puissante, aujourd'hui blanche et noire

Laisse trop de vivants parcourir sa beauté ;

Ils font leurs pauvres tours au milieu de sa gloire

Elle brille, s'élance - et se couche à leurs pieds

Le ciel même se voit expliquer par la terre :

Ses étoiles ne sont que des mondes mortels

Le visage de l'homme arrête la lumière

Il regarde en riant l'équilibre du ciel

Partout tombe, s'agite, et parle cette bande.

Celui qui se refuse et veut se passer d'eux

Comme un joueur ruiné prisonnier dans sa chambre

N'a plus qu'à se remettre entre les mains de Dieu

- Il compose des vers mystérieux et sages,

Lentement, pleins de sens et de sérénité

- Puis se couche et s'endort, ayant fait son ouvrage

Et repris dans son corps le pouvoir de chanter.

- Beaucoup plus tard, un jour sans tache, un jour sans ombre

- Beaucoup plus tard un air d'eau neuve, un oiseau blanc...

L'homme s'éveille, et s'émerveille
, et vient au monde,

Et laisse aller en liberté son coeur battant ...

Que de beauté ! Les arbres font leur grand murmure,

La mer et le soleil du matin sont unis ...

Voici le ciel dans les chemins de l'aventure

Voici cet homme - et son amour est devant lui