dimanche 21 novembre 2010

La jolie rousse (Guillaume Apollinaire)

"Ayant vu la guerre dans l'artillerie et l'infanterie blessé à la tête trépané sous le chloroforme ..."

Alors que nous venons de commémorer le 11 novembre 1918, la carte du comptoir des vers propose "une jolie rousse", poème tragique extrait des calligrammes de Guillaume Apollinaire.

La carte du comptoir des poésies, sans autre explication de texte ou commentaire, rappelle à ses lecteurs qu'elle propose en bas de ce poème de très nombreux "classiques" .


Me voici devant tous un homme plein de sens

Connaissant la vie et de la mort ce qu'un vivant peut connaître

Ayant éprouvé les douleurs et les joies de l'amour

Ayant su quelquefois imposer ses idées

Connaissant plusieurs langages

Ayant pas mal voyagé

Ayant vu la guerre dans l'artillerie et l'infanterie

Blessé à la tête trépané sous le chloroforme

Ayant perdu ses meilleurs amis dans l'effroyable lutte

Je sais d'ancien et de nouveau autant qu'un homme seul pourrait des deux savoir

Et sans m'inquiéter aujourd'hui de cette guerre

Entre nous et pour nous mes amis

Je juge cette longue querelle de la tradition et de l'invention

De l'Ordre et de l'Aventure

Vous dont la bouche est faite à l'image de celle de Dieu

Bouche qui est l'ordre même

Soyez indulgents quand vous nous comparez

A ceux qui furent la perfection de l'ordre

Nous qui quêtons partout l'aventure

Nous ne sommes pas vos ennemis

Nous voulons vous donner de vastes et d'étranges domaines

Où le mystère en fleurs s'offre à qui veut le cueillir

Il y a là des feux nouveaux des couleurs jamais vues

Mille phantasmes impondérables

Auxquels il faut donner de la réalité

Nous voulons explorer la bonté contrée énorme où tout se tait

Il y a aussi le temps qu'on peut chasser ou faire revenir

Pitié pour nous qui combattons toujours aux frontières

De l'illimité et de l'avenir

Pitié pour nos erreurs pitié pour nos péchés

Voici que vient l'été la saison violente

Et ma jeunesse est morte ainsi que le printemps

Ô Soleil c'est le temps de la Raison ardente

Et j'attends

Pour la suivre toujours la forme noble et douce

Qu'elle prend afin que je l'aime seulement

Elle vient et m'attire ainsi qu'un fer l'aimant

Elle a l'aspect charmant

D'une adorable rousse

Ses cheveux sont d'or on dirait

Un bel éclair qui durerait

Ou ces flammes qui se pavanent

Dans les roses-thé qui se fanent

Mais riez riez de moi

Hommes de partout surtout gens d'ici

Car il y a tant de choses que je n'ose vous dire

Tant de choses que vous ne me laisseriez pas dire

Ayez pitié de moi

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Les "classiques" de la
carte du comptoir
des vers :

- Jean de la Fontaine : le chêne et le roseau, l'âne portant des reliques, le loup et l'agneau, le savetier et le financier, le corbeau et le renard, le cheval s'étant voulu venger du cerf , le Coche et la Mouche, épitaphe d'un paresseux, la poule aux oeufs d'or

- Guillaume Apollinaire : le Pont Mirabeau, l'adieu, nuit rhénane, chant de l'horizon en Champagne,le chef de section, à l'Italie, nocturne, acousmate, dans l'abri-caverne,Annie,Marizibill, le vigneron champenois, ô naturel désir, l'émigrant de Landor Road, la Victoire, à la Santé, Blanche Neige

-
Joachim du Bellay : heureux qui comme Ulysse, au fleuve de Loire, Scève je me trouvais comme le fils d'Anchise, cent fois plus qu'à louer on se plaît à médire,à Madame Marguerite d'écrire en sa langue

- Edmond Rostand : tirade des nez de Cyrano de Bergerac, sept moyens de monter dans la Lune (Cyrano de Bergerac), petit chat, rois mages, l'hymne au soleil, nénuphars

-
Victor Hugo : ce siècle avait deux ans, demain dès l'aube, l'an neuf de l'Hegire, les Djinns, Jeanne était au pain sec, mes poèmes, à une jeune fille, Hermina, mon bras pressait ta taille frêle, jolies femmes

Arthur Rimbaud : le bateau ivre, le dormeur du val, voyelles, sensations, les étrennes des orphelins, les douaniers, au cabaret vert (cinq heures du soir), petites amoureuses, Michel et Christine, ma Bohème, aube, soleil et chair, les assis, Vénus Anadyomène, chant de guerre parisien, première soirée, Marine, l'homme juste, les mains de Jeanne-Marie, chanson de la plus haute tour, jeune ménage,tête de faune, à la musique,mouvement, age d'or, ô saisons ô chateaux, Bruxelles, l'orgie parisienne, les pauvres à l'église

- Charles Baudelaire : l'albatros, les bijoux, à une dame créole, quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle, "j'ai plus de souvenirs que si j'avais mille ans", je n'ai pas pour maîtresse une lionne illustre (prélude à Sarah), une martyre, correspondances, le soleil, toute entière, j'aime le souvenir de ces époques nues, une mendiante rousse, confession, à celle qui est trop gaie,les ténèbres, le chat

- Louis Aragon : l'étrangère, que serais-je sans toi ?, est-ce ainsi que les hommes vivent ?, Santa Espina, la rose et le réséda, les mains d'Elsa, Charlot mystique, un jour un jour, nous dormirons ensemble, l'affiche rouge, la belle italienne, chambre garnie, chambres d'un moment, Elsa, Elsa au miroir, j'arrive où je suis étranger, les yeux d'Elsa

- Sabine Sicaud : douleur je vous déteste, jour de fièvre, la solitude, vous parler ?, premières feuilles, chemins de l'ouest, la vieille femme de la Lune, la grotte des lépreux

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José Maria de Heredia : les conquérants ("comme un vol de gerfauts hors du charnier natal"), l'esclave, le tepidarium, la belle viole, le vitrail, le voeu, fleurs de feu, soir de bataille, Tranquillus, le bain

- Et, aussi, l'invraisemblable poème acadien de H.W. Longfellow Evangéline