jeudi 20 novembre 2008

J'arrive où je suis étranger (Louis Aragon)

Le comptoir des vers et sa carte continuent leur série sur Louis Aragon (Est-ce ainsi que les hommes vivent ?, Que serais-je sans toi ?), le poète qui fusionna surréalisme et communisme, avec un opus mis en musique par Jean Ferrat.

A cause de Loulou Aragon, la carte du comptoir des vers stoppe le
Guillaume Apollinaire (le Pont Mirabeau, Nuit Rhénane, l'Adieu, l'Emigrant de Landor Road, Ô naturel désir, Nocturne, A l'Italie, Acousmate, Marizibill, La Victoire, Le Chef de Section, Chant de l'Horizon en Champagne, Le Vigneron Champenois, Dans l'Abri-caverne, Annie, A la Santé ...) et l'Arthur Rimbaud (Voyelles, Sensations, Ma Bohème, Chanson de la plus haute tour, le Dormeur du Val, le Bateau Ivre, Vénus Anadyomène, Petites amoureuses ou l'Orgie parisienne).


Rien n'est précaire comme vivre

Rien comme être n'est passager

C'est un peu fondre comme le givre

Et pour le vent être léger

J'arrive où je suis étranger

Un jour tu passes la frontière

D'où viens-tu mais où vas-tu donc

Demain qu'importe et qu'importe hier

Le coeur change avec le chardon

Tout est sans rime ni pardon

Passe ton doigt là sur ta tempe

Touche l'enfance de tes yeux

Mieux vaut laisser basses les lampes

La nuit plus longtemps nous va mieux

C'est le grand jour qui se fait vieux

Les arbres sont beaux en automne

Mais l'enfant qu'est-il devenu

Je me regarde et je m'étonne

De ce voyageur inconnu

De son visage et ses pieds nus

Peu a peu tu te fais silence

Mais pas assez vite pourtant

Pour ne sentir ta dissemblance

Et sur le toi-même d'antan

Tomber la poussière du temps

C'est long vieillir au bout du compte

Le sable en fuit entre nos doigts

C'est comme une eau froide qui monte

C'est comme une honte qui croît

Un cuir à crier qu'on corroie

C'est long d'être un homme une chose

C'est long de renoncer à tout

Et sens-tu les métamorphoses

Qui se font au-dedans de nous

Lentement plier nos genoux

O mer amère ô mer profonde

Quelle est l'heure de tes marées

Combien faut-il d'années-secondes

A l'homme pour l'homme abjurer

Pourquoi pourquoi ces simagrées

Rien n'est précaire comme vivre

Rien comme être n'est passager

C'est un peu fondre comme le givre

Et pour le vent être léger

J'arrive où je suis étranger