Est-ce ainsi que les hommes vivent ? (Louis Aragon)
Le comptoir des vers et sa carte entament une série sur Louis Aragon, le poète romantico-communiste, avec Est-ce ainsi que les hommes vivent ? oeuvre sombre mise en musique par Leo Ferré et interprétée par tous les grands de la chanson française dont notamment Bernard Lavilliers.
A défaut, la carte du comptoir des poésies, sans aucun autre commentaire, suggère aussi sa sélection :
- Louis Aragon : l'étrangère, que serais-je sans toi ?, Elsa, chambres d'un moment, chambre garnie, les mains d'Elsa, Santa Espina, la rose et le réséda, Elsa au miroir, nous dormirons ensemble, l'affiche rouge, un jour un jour, la belle italienne, j'arrive où je suis étranger, Charlot mystique, les yeux d'Elsa
- Guillaume Apollinaire : le Pont Mirabeau, nuit rhénane, Marizibill, ô naturel désir, acousmate, Annie, l'émigrant de Landor Road, dans l'abri-caverne, l'adieu, la Victoire, à l'Italie, le chef de section, nocturne, le vigneron champenois, chant de l'horizon en Champagne, à la Santé
- Edmond Rostand : tirade des nez de Cyrano de Bergerac, petit chat, sept moyens de monter dans la Lune (Cyrano de Bergerac), rois mages, l'hymne au soleil, nénuphars
- Arthur Rimbaud : le bateau ivre, voyelles, le dormeur du val, voyelles, sensations, Vénus Anadyomène, chanson de la plus haute tour, ma Bohème, l'orgie parisienne, Michel et Christine, les mains de Jeanne-Marie, les assis, l'homme juste, au cabaret vert (cinq heures du soir), Marine, soleil et chair, tête de faune, à la musique, première soirée, aube, chant de guerre parisien, les douaniers, Bruxelles, mouvement, jeune ménage, age d'or, petites amoureuses, ô saisons ô chateaux, les étrennes des orphelins
- Charles Baudelaire : l'albatros, les bijoux, je n'ai pas pour maîtresse une lionne illustre (prélude à Sarah), confession, "j'ai plus de souvenirs que si j'avais mille ans", quand le ciel bas et lours pèse comme un couvercle, les ténèbres, le soleil, à celle qui est trop gaie, correspondances, une mendiante rousse, une martyre, à une dame créole, toute entière, le chat
- José Maria de Heredia : les conquérants, la belle viole, l'esclave, fleurs de feu, le voeu, soir de bataille, le tepidarium, le vitrail, Tranquillus
- Joachim du Bellay : heureux qui comme Ulysse, au fleuve de Loire
Tout est affaire de décor
Changer de lit changer de corps
À quoi bon puisque c'est encore
Moi qui moi-même me trahis
Moi qui me traîne et m'éparpille
Et mon ombre se déshabille
Dans les bras semblables des filles
Où j'ai cru trouver un pays.
Cœur léger cœur changeant cœur lourd
Le temps de rêver est bien court
Que faut-il faire de mes nuits ?
Que faut-il faire de mes jours ?
Je n'avais amour ni demeure
Nulle part où je vive ou meure
Je passais comme la rumeur
Je m'endormais comme le bruit.
C'était un temps déraisonnable
On avait mis les morts à table
On faisait des châteaux de sable
On prenait les loups pour des chiens
Tout changeait de pôle et d'épaule
La pièce était-elle ou non drôle
Moi si j'y tenais mal mon rôle
C'était de n'y comprendre rien
Est-ce ainsi que les hommes vivent
Et leurs baisers au loin les suivent
Dans le quartier Hohenzollern
Entre la Sarre et les casernes
Comme les fleurs de la luzerne
Fleurissaient les seins de Lola
Elle avait un cœur d'hirondelle
Sur le canapé du bordel
Je venais m'allonger près d'elle
Dans les hoquets du pianola.
Le ciel était gris de nuages
Il y volait des oies sauvages
Qui criaient la mort au passage
Au-dessus des maisons des quais
Je les voyais par la fenêtre
Leur chant triste entrait dans mon être
Et je croyais y reconnaître
Du Rainer Maria Rilke.
Est-ce ainsi que les hommes vivent ?
Et leurs baisers au loin les suivent.
Elle était brune elle était blanche
Ses cheveux tombaient sur ses hanches
Et la semaine et le dimanche
Elle ouvrait à tous ses bras nus
Elle avait des yeux de faÏence
Elle travaillait avec vaillance
Pour un artilleur de Mayence
Qui n'en est jamais revenu.
Il est d'autres soldats en ville
Et la nuit montent les civils
Remets du rimmel à tes cils
Lola qui t'en iras bientôt
Encore un verre de liqueur
Ce fut en avril à cinq heures
Au petit jour que dans ton cœur
Un dragon plongea son couteau
Est-ce ainsi que les hommes vivent ?
Et leurs baisers au loin les suivent ...