jeudi 20 novembre 2008

Est-ce ainsi que les hommes vivent ? (Louis Aragon)

Le comptoir des vers et sa carte entament une série sur Louis Aragon, le poète romantico-communiste, avec Est-ce ainsi que les hommes vivent ? oeuvre sombre mise en musique par Leo Ferré et interprétée par tous les grands de la chanson française dont notamment Bernard Lavilliers.

A défaut, la carte du comptoir des poésies, sans aucun autre commentaire, suggère aussi sa sélection :

- Louis Aragon : l'étrangère, que serais-je sans toi ?, Elsa, chambres d'un moment, chambre garnie, les mains d'Elsa, Santa Espina, la rose et le réséda, Elsa au miroir, nous dormirons ensemble, l'affiche rouge, un jour un jour, la belle italienne, j'arrive où je suis étranger, Charlot mystique, les yeux d'Elsa

- Guillaume Apollinaire : le Pont Mirabeau, nuit rhénane, Marizibill, ô naturel désir, acousmate, Annie, l'émigrant de Landor Road, dans l'abri-caverne, l'adieu, la Victoire, à l'Italie, le chef de section, nocturne, le vigneron champenois, chant de l'horizon en Champagne, à la Santé

-
Edmond Rostand : tirade des nez de Cyrano de Bergerac, petit chat, sept moyens de monter dans la Lune (Cyrano de Bergerac), rois mages, l'hymne au soleil, nénuphars

- Arthur Rimbaud : le bateau ivre, voyelles, le dormeur du val, voyelles, sensations, Vénus Anadyomène, chanson de la plus haute tour, ma Bohème, l'orgie parisienne, Michel et Christine, les mains de Jeanne-Marie, les assis, l'homme juste, au cabaret vert (cinq heures du soir), Marine, soleil et chair, tête de faune, à la musique, première soirée, aube, chant de guerre parisien, les douaniers, Bruxelles, mouvement, jeune ménage, age d'or, petites amoureuses, ô saisons ô chateaux, les étrennes des orphelins

- Charles Baudelaire : l'albatros, les bijoux, je n'ai pas pour maîtresse une lionne illustre (prélude à Sarah), confession, "j'ai plus de souvenirs que si j'avais mille ans", quand le ciel bas et lours pèse comme un couvercle, les ténèbres, le soleil, à celle qui est trop gaie, correspondances, une mendiante rousse, une martyre, à une dame créole, toute entière, le chat

- José Maria de Heredia : les conquérants, la belle viole, l'esclave, fleurs de feu, le voeu, soir de bataille, le tepidarium, le vitrail, Tranquillus

- Joachim du Bellay : heureux qui comme Ulysse, au fleuve de Loire


Tout est affaire de décor

Changer de
lit changer de corps

À quoi bon puisque c'est encore

Moi qui moi-même me trahis

Moi qui me traîne et m'éparpille

Et mon ombre se déshabille

Dans les bras semblables des filles

Où j'ai cru trouver un
pays.

Cœur léger cœur changeant cœur lourd

Le
temps de rêver est bien court

Que faut-il faire de mes nuits ?

Que faut-il faire de mes jours ?

Je n'avais amour ni demeure

Nulle part où je vive ou meure

Je passais comme la rumeur

Je m'endormais comme le bruit.

C'était un temps déraisonnable

On avait mis les morts à table

On faisait des châteaux de sable

On prenait les loups pour des chiens

Tout changeait de pôle et d'épaule

La pièce était-elle ou non drôle

Moi si j'y tenais mal mon rôle

C'était de n'y comprendre rien

Est-ce ainsi que les hommes vivent

Et leurs baisers au loin les suivent

Dans le quartier Hohenzollern

Entre la Sarre et les casernes

Comme les fleurs de la luzerne

Fleurissaient les seins de Lola

Elle avait un cœur d'hirondelle

Sur le canapé du bordel

Je venais m'allonger près d'elle

Dans les hoquets du pianola.

Le ciel était gris de nuages

Il y volait des oies sauvages

Qui criaient la mort au passage

Au-dessus des maisons des quais

Je les voyais par la fenêtre

Leur chant triste entrait dans mon être

Et je croyais y reconnaître

Du Rainer Maria Rilke.

Est-ce ainsi que les hommes vivent ?

Et leurs baisers au loin les suivent.

Elle était brune elle était blanche

Ses cheveux tombaient sur ses hanches

Et la semaine et le dimanche

Elle ouvrait à tous ses bras nus

Elle avait des yeux de faÏence

Elle travaillait avec vaillance

Pour un artilleur de Mayence

Qui n'en est jamais revenu.

Il est d'autres soldats en ville

Et la nuit montent les civils

Remets du rimmel à tes cils

Lola qui t'en iras bientôt

Encore un verre de liqueur

Ce fut en avril à cinq heures

Au petit jour que dans ton cœur

Un dragon plongea son couteau

Est-ce ainsi que les hommes vivent ?

Et leurs baisers au loin les suivent ...