lundi 24 novembre 2008

Un jour un jour (Louis Aragon)

Le comptoir des vers et sa carte sont toujours à fond dans le Louis Aragon (Elsa, La rose et le réséda, Les lilas et les roses, Est-ce ainsi que les hommes vivent ?, Santa Espina, Que serais-je sans toi ?, J'arrive où je suis étranger, L'affiche rouge, Nous dormirons ensemble, Les mains d'Elsa, Elsa au miroir, Les yeux d'Elsa) avec ce poème évoquant la guerre d'Espagne et la montée des fascismes (à défaut d'un regard lucide sur le stalinisme) mis en musique par Jean Ferrat.

La persistance de Loulou Aragon empêche la carte du comptoir des vers de reprendre l'Edmond Rostand (La tirade des nez de Cyrano de Bergerac, Le Petit Chat), l'
Arthur Rimbaud (Voyelles, Sensations, Ma Bohème, Chanson de la plus haute tour, le Dormeur du Val, le Bateau Ivre, Vénus Anadyomène, Petites amoureuses ou l'Orgie parisienne) et le Guillaume Apollinaire (le Pont Mirabeau, Nuit Rhénane, l'Adieu, l'Emigrant de Landor Road, Ô naturel désir, Nocturne, A l'Italie, Acousmate, Marizibill, La Victoire, Le Chef de Section, Chant de l'Horizon en Champagne, Le Vigneron Champenois, Dans l'Abri-caverne, Annie, A la Santé ...).


Tout ce que l'homme fut de grand et de sublime

Sa protestation ses chants et ses héros

Au dessus de ce corps et contre ses bourreaux

A Grenade aujourd'hui surgit devant le crime

Et cette bouche absente et Lorca qui s'est tu

Emplissant tout à coup l'univers de silence

Contre les violents tourne la violence

Dieu le fracas que fait un poète qu'on tue

Un jour pourtant un jour viendra couleur d'orange

Un jour de palme un jour de feuillages au front

Un jour d'épaule nue où les gens s'aimeront

Un jour comme un oiseau sur la plus haute branche

Ah je désespérais de mes frères sauvages

Je voyais je voyais l'avenir à genoux

La Bête triomphante et la pierre sur nous

Et le feu des soldats porté sur nos rivages

Quoi toujours ce serait par atroce marché

Un partage incessant que se font de la terre

Entre eux ces assassins que craignent les panthères

Et dont tremble un poignard quand leur main l'a touché

Un jour pourtant un jour viendra couleur d'orange

Un jour de palme un jour de feuillages au front

Un jour d'épaule nue où les gens s'aimeront

Un jour comme un oiseau sur la plus haute branche

Quoi toujours ce serait la guerre la querelle

Des manières de rois et des fronts prosternés

Et l'enfant de la femme inutilement né

Les blés déchiquetés toujours des sauterelles

Quoi les bagnes toujours et la chair sous la roue

Le massacre toujours justifié d'idoles

Aux cadavres jeté ce manteau de paroles

Le bâillon pour la bouche et pour la main le clou

Un jour pourtant un jour viendra couleur d'orange

Un jour de palme un jour de feuillages au front

Un jour d'épaule nue où les gens s'aimeront

Un jour comme un oiseau sur la plus haute branche