dimanche 23 novembre 2008

Les lilas et les roses (Louis Aragon)

Le comptoir des vers et sa carte poursuivent la série Louis Aragon (Elsa, La rose et le réséda, Est-ce ainsi que les hommes vivent ?, Santa Espina, Que serais-je sans toi ?, J'arrive où je suis étranger, L'affiche rouge, Nous dormirons ensemble, Les mains d'Elsa, Elsa au miroir, Les yeux d'Elsa) avec ce poème, extrait du crève-coeur, sur la débacle de 1940.

En raison de Loulou Aragon, de ses lilas et de ses roses, la carte du comptoir des vers ne fait plus pour l'instant dans l'Edmond Rostand (La tirade des nez de Cyrano de Bergerac, Le Petit Chat), l'Arthur Rimbaud (Voyelles, Sensations, Ma Bohème, Chanson de la plus haute tour, le Dormeur du Val, le Bateau Ivre, Vénus Anadyomène, Petites amoureuses ou l'Orgie parisienne) et le Guillaume Apollinaire (le Pont Mirabeau, Nuit Rhénane, l'Adieu, l'Emigrant de Landor Road, Ô naturel désir, Nocturne, A l'Italie, Acousmate, Marizibill, La Victoire, Le Chef de Section, Chant de l'Horizon en Champagne, Le Vigneron Champenois, Dans l'Abri-caverne, Annie, A la Santé ...).


Ô mois des floraisons mois des métamorphoses

Mai qui fut sans nuage et Juin poignardé

Je n'oublierai jamais les lilas ni les roses

Ni ceux que le printemps dans les plis a gardés

Je n'oublierai jamais l'illusion tragique

Le cortège les cris la foule et le soleil

Les chars chargés d'amour les dons de la Belgique

L'air qui tremble et la route à ce bourdon d'abeilles

Le triomphe imprudent qui prime la querelle

Le sang que préfigure en carmin le baiser

Et ceux qui vont mourir debout dans les tourelles

Entourés de lilas par un peuple grisé

Je n'oublierai jamais les jardins de la France

Semblables aux missels des siècles disparus

Ni le trouble des soirs l'énigme du silence

Les roses tout le long du chemin parcouru

Le démenti des fleurs au vent de la panique

Aux soldats qui passaient sur l'aile de la peur

Aux vélos délirants aux canons ironiques

Au pitoyable accoutrement des faux campeurs

Mais je ne sais pourquoi ce tourbillon d'images

Me ramène toujours au même point d'arrêt

A Sainte-Marthe Un général De noirs ramages

Une villa normande au bord de la forêt

Tout se tait L'ennemi dans l'ombre se repose

On nous a dit ce soir que Paris s'est rendu

Je n'oublierai jamais les lilas ni les roses

Et ni les deux amours que nous avons perdus

Bouquets du premier jour lilas lilas des Flandres

Douceur de l'ombre dont la mort farde les joues

Et vous bouquets de la retraite roses tendres

Couleur de l'incendie au loin roses d'Anjou.