jeudi 3 janvier 2008

Le petit chat (Edmond Rostand)

Après la très (trop ?) longue publication du poème kitsch Evangeline, une pause sur la carte du comptoir des vers s'imposait. Elle est désormais terminée avec un poème animalier reprenant ce vocable d'Edmond Rostand, l'auteur de Cyrano de Bergerac.
Cet opus félin est à rapprocher du Chat de Charles Baudelaire
voire de la tirade des nez.

Si vous n'appréciez pas le chat au menu, la carte du comptoir des poésies, sans aucun autre commentaire, propose aussi sa sélection :

- Edmond Rostand : tirade des nez de Cyrano de Bergerac, sept moyens de monter dans la Lune (Cyrano de Bergerac), l'hymne au soleil, rois mages, nénuphars

- Charles Baudelaire : l'albatros, les bijoux, le chat, je n'ai pas pour maîtresse une lionne illustre (prélude à Sarah), toute entière, confession, à celle qui est trop gaie, correspondances, une mendiante rousse, une martyre, à une dame créole,"j'ai plus de souvenirs que si j'avais mille ans", quand le ciel bas et lours pèse comme un couvercle, les ténèbres, le soleil,

- Guillaume Apollinaire : le Pont Mirabeau, nuit rhénane, Marizibill, l'émigrant de Landor Road, dans l'abri-caverne, chant de l'horizon en Champagne, ô naturel désir, acousmate, Annie, l'adieu, la Victoire, à l'Italie, le chef de section, nocturne, le vigneron champenois, à la Santé

- Arthur Rimbaud : le bateau ivre, voyelles, le dormeur du val, sensations, Vénus Anadyomène, petites amoureuses, chanson de la plus haute tour, ma Bohème, l'orgie parisienne, Michel et Christine, les mains de Jeanne-Marie, les assis, ô saisons ô chateaux, l'homme juste, au cabaret vert (cinq heures du soir), Marine, soleil et chair, tête de faune, à la musique, première soirée, aube, chant de guerre parisien, les douaniers, Bruxelles, mouvement, jeune ménage, age d'or, les étrennes des orphelins

-
Louis Aragon : l'étrangère, que serais-je sans toi ?, est-ce ainsi que les hommes vivent ?, Elsa, chambres d'un moment, chambre garnie, les mains d'Elsa, un jour un jour, la belle italienne, Santa Espina, la rose et le réséda, Elsa au miroir, Charlot mystique, nous dormirons ensemble, l'affiche rouge, j'arrive où je suis étranger, les yeux d'Elsa

- José Maria de Heredia : les conquérants, le voeu, le vitrail, soir de bataille, le tepidarium, la belle viole, l'esclave, fleurs de feu, Tranquillus

- Joachim du Bellay : heureux qui comme Ulysse, au fleuve de Loire


C'est un petit chat noir effronté comme un page,

Je le laisse jouer sur ma table souvent.

Quelquefois il s'assied sans faire de tapage,

On dirait un joli presse-papier vivant.

Rien en lui, pas un poil de son velours ne bouge ;

Longtemps, il reste là, noir sur un feuillet blanc,

A ces minets tirant leur langue de drap rouge,

Qu'on fait pour essuyer les plumes, ressemblant.

Quand il s'amuse, il est extrêmement comique,

Pataud et gracieux, tel un ourson drôlet.

Souvent je m'accroupis pour suivre sa mimique

Quand on met devant lui la soucoupe de lait.

Tout d'abord de son nez délicat il le flaire,

La frôle, puis, à coups de langue très petits,

Il le happe ; et dès lors il est à son affaire

Et l'on entend, pendant qu'il boit, un clapotis.

Il boit, bougeant la queue et sans faire une pause,

Et ne relève enfin son joli museau plat

Que lorsqu'il a passé sa langue rêche et rose

Partout, bien proprement débarbouillé le plat.

Alors il se pourlèche un moment les moustaches,

Avec l'air étonné d'avoir déjà fini.

Et comme il s'aperçoit qu'il s'est fait quelques taches,

Il se lisse à nouveau, lustre son poil terni.

Ses yeux jaunes et bleus sont comme deux agates ;

Il les ferme à demi, parfois, en reniflant,

Se renverse, ayant pris son museau dans ses pattes,

Avec des airs de tigre étendu sur le flanc.