vendredi 21 novembre 2008

A une chatte (Charles Cros)

Le comptoir des vers et sa carte marquent une pause dans leur brève et récente série sur Louis Aragon (Est-ce ainsi que les hommes vivent ?, Que serais-je sans toi ?, J'arrive où je suis étranger), pour un poème sur les chats (ou plutôt en l'occurence sur les chattes) dans la lignée du petit chat d'Edmond Rostand.

A cause des félins et de Loulou Aragon, la carte du comptoir des vers remballe pour le moment le Guillaume Apollinaire (le Pont Mirabeau, Nuit Rhénane, l'Adieu, l'Emigrant de Landor Road, Ô naturel désir, Nocturne, A l'Italie, Acousmate, Marizibill, La Victoire, Le Chef de Section, Chant de l'Horizon en Champagne, Le Vigneron Champenois, Dans l'Abri-caverne, Annie, A la Santé ...) et l'Arthur Rimbaud (Voyelles, Sensations, Ma Bohème, Chanson de la plus haute tour, le Dormeur du Val, le Bateau Ivre, Vénus Anadyomène, Petites amoureuses ou l'Orgie parisienne).


Chatte blanche, chatte sans tache,

Je te demande, dans ces vers,

Quel secret dort dans tes yeux verts,

Quel sarcasme sous ta moustache.

Tu nous lorgnes, pensant tout bas

Que nos fronts pâles, que nos lèvres

Déteintes en de folles fièvres,

Que nos yeux creux ne valent pas

Ton museau que ton nez termine,

Rose comme un bouton de sein,

Tes oreilles dont le dessin

Couronne fièrement ta mine.

Pourquoi cette sérénité ?

Aurais-tu la clé des problèmes

Qui nous font, frissonnants et blêmes,

Passer le printemps et l'été ?

Devant la mort qui nous menace,

Chats et gens, ton flair, plus subtil

Que notre savoir, te dit-il

Où va la beauté qui s'efface,

Où va la pensée, où s'en vont

Les défuntes splendeurs charnelles ?

Chatte, détourne tes prunelles ;

J'y trouve trop de noir au fond.