samedi 24 janvier 2009

Hymne au soleil (Edmond Rostand)

La carte du comptoir des vers persiste dans la publication de poèmes mièvres d'Edmond Rostand - pourtant auteur de l'indépassable Cyrano de Bergerac et de sa picaresque tirade des nez - à l'instar du Petit Chat ou des nénuphars.

Cette poésie astronomique contraint la carte du comptoir des poésies, sans commentaire, à réexpédier au magasin des accessoires Heredia (les Conquérants, le voeu, le vitrail), Du Bellay (Heureux qui comme Ulysse), Aragon (Elsa, L'étrangère, Chambre garnie, Charlot mystique, La rose et le réséda, La belle italienne, Un jour un jour, Est-ce ainsi que les hommes vivent ?,Santa Espina, Chambres d'un moment, Que serais-je sans toi ?, Nous dormirons ensemble, Les mains d'Elsa, Elsa au miroir, J'arrive où je suis étranger, L'affiche rouge, Les yeux d'Elsa), Arthur Rimbaud (Vénus Anadyomène, Sensations, le Dormeur du Val, Voyelles, le Bateau Ivre, Ma Bohème, Chanson de la plus haute tour, Petites amoureuses ou l'Orgie parisienne) et Guillaume Apollinaire (le Pont Mirabeau, l'Emigrant de Landor Road, Marizibill, A l'Italie, Nuit Rhénane, La Victoire, l'Adieu, Nocturne, Ô naturel désir, Dans l'Abri-caverne, Le Chef de Section, Chant de l'Horizon en Champagne, Acousmate, Le Vigneron Champenois, Annie, A la Santé ...).


Je t'adore, Soleil ! Ô toi dont la lumière,

Pour bénir chaque front et mûrir chaque miel,

Entrant dans chaque fleur et dans chaque chaumière,

Se divise et demeure entière

Ainsi que l'amour maternel !

Je te chante, et tu peux m'accepter pour ton prêtre,

Toi qui viens dans la cuve où trempe un savon bleu

Et qui choisis, souvent, quand tu veux disparaître,

L'humble vitre d'une fenêtre

Pour lancer ton dernier adieu !

Tu fais tourner les tournesols du presbytère,

Luire le frère d'or que j'ai sur le clocher,

Et quand, par les tilleuls, tu viens avec mystère,

Tu fais bouger des ronds par terre

Si beaux qu'on n'ose plus marcher !

Gloire à toi sur les prés !

Gloire à toi dans les vignes !

Sois béni parmi l'herbe et contre les portails !

Dans les yeux des lézards et sur l'aile des cygnes !

Ô toi qui fais les grandes lignes

Et qui fais les petits détails !

C'est toi qui, découpant la soeur jumelle et sombre

Qui se couche et s'allonge au pied de ce qui luit,

De tout ce qui nous charme a su doubler le nombre,

A chaque objet donnant une ombre

Souvent plus charmante que lui !

Je t'adore, Soleil ! Tu mets dans l'air des roses,

Des flammes dans la source, un dieu dans le buisson !

Tu prends un arbre obscur et tu l'apothéoses !

Ô Soleil ! Toi sans qui les choses

Ne seraient que ce qu'elles sont !