vendredi 19 décembre 2008

Mélodie irlandaise (Gérard de Nerval)

La carte du comptoir des poésies insiste dans le voeu avec une livraison due à Gérard de Nerval, le poète neurasthénique, qui pourtant exalte dans le dernier vers "les feux de l'amour".

Ces voeux de Gégé poussent la carte du comptoir poétique, sans le moindre commentaire, à maintenir au fond de la classe Heredia (les Conquérants), Du Bellay (Heureux qui comme Ulysse), Aragon (Elsa, L'étrangère, Que serais-je sans toi ?, Chambre garnie, Chambres d'un moment, Charlot mystique, La rose et le réséda, Un jour un jour, Est-ce ainsi que les hommes vivent ?, La belle italienne, Santa Espina, Nous dormirons ensemble, Les mains d'Elsa, Elsa au miroir, J'arrive où je suis étranger, L'affiche rouge, Les yeux d'Elsa), Arthur Rimbaud (le Dormeur du Val, Sensations, le Bateau Ivre, Voyelles, Ma Bohème, Vénus Anadyomène, Chanson de la plus haute tour, Petites amoureuses ou l'Orgie parisienne), Guillaume Apollinaire (le Pont Mirabeau, A l'Italie, Nuit Rhénane, l'Emigrant de Landor Road, l'Adieu, Marizibill, La Victoire, Nocturne, Acousmate, Chant de l'Horizon en Champagne, Le Vigneron Champenois, Ô naturel désir, Dans l'Abri-caverne, Le Chef de Section, Annie, A la Santé ...) et Edmond Rostand (La tirade des nez de Cyrano de Bergerac, Le Petit Chat).


Le soleil du matin commençait sa carrière,

Je vis près du rivage une barque légère

Se bercer mollement sur les flots argentés.

Je revins quand la nuit descendait sur la rive :

La nacelle était là, mais l'onde fugitive

Ne baignait plus ses flancs dans le sable arrêtés.

Et voilà notre sort ! Au matin de la vie

Par des rêves d'espoir notre âme poursuivie

Se balance un moment sur les flots du bonheur ;

Mais, sitôt que le soir étend son voile sombre,

L'onde qui nous portait se retire, et dans l'ombre

Bientôt nous restons seuls en proie à la douleur.

Au déclin de nos jours on dit que notre tête

Doit trouver le repos sous un ciel sans tempête ;

Mais qu'importe à mes voeux le calme de la nuit !

Rendez-moi le matin, la fraîcheur et les charmes ;

Car je préfère encor ses brouillards et ses larmes

Aux plus douces lueurs du soleil qui s'enfuit.

Oh ! Qui n'a désiré voir tout à coup renaître

Cet instant dont le charme éveilla dans son être

Et des sens inconnus et de nouveaux transports !

Où son âme, semblable à l'écorce embaumée,

Qui disperse en brûlant sa vapeur parfumée,

Dans les feux de l'amour exhala ses trésors !