mardi 17 février 2009

Aux proscrits (Victor Hugo)

La carte du comptoir des vers présente à son menu un extrait de aux proscrits long poème politique de Victor Hugo, écrit en exil à Jersey le 14 juillet 1870 peu de temps avant la chute du Second Empire qu'il haïssait.

A défaut de Victor Hugo ou de Napoléon III, la carte du comptoir des poésies, sans commentaire, propose aussi :

- Edmond Rostand : tirade des nez de Cyrano de Bergerac, sept moyens de monter dans la Lune (Cyrano de Bergerac), petit chat, l'hymne au soleil, rois mages, nénuphars

- Arthur Rimbaud : le bateau ivre, le dormeur du val, voyelles, sensations, Vénus Anadyomène, petites amoureuses, l'orgie parisienne, Michel et Christine, les mains de Jeanne-Marie, les assis, l'homme juste, au cabaret vert (cinq heures du soir), Marine, soleil et chair, tête de faune, à la musique, première soirée, aube, chant de guerre parisien, les douaniers, Bruxelles, mouvement, jeune ménage, age d'or, ô saisons ô chateaux, chanson de la plus haute tour, ma Bohème, les étrennes des orphelins

- Guillaume Apollinaire : le Pont Mirabeau, nuit rhénane, Marizibill, l'émigrant de Landor Road, dans l'abri-caverne, ô naturel désir, l'adieu, la Victoire, à l'Italie, le chef de section, nocturne, le vigneron champenois, chant de l'horizon en Champagne, acousmate, Annie, à la Santé

- Charles Baudelaire : l'albatros, les bijoux, je n'ai pas pour maîtresse une lionne illustre (prélude à Sarah), toute entière, confession, les ténèbres, "j'ai plus de souvenirs que si j'avais mille ans", quand le ciel bas et lours pèse comme un couvercle, le soleil, à celle qui est trop gaie, correspondances, une mendiante rousse, une martyre, à une dame créole, le chat

-
Louis Aragon : l'étrangère, que serais-je sans toi ?, est-ce ainsi que les hommes vivent ?, chambres d'un moment, chambre garnie, nous dormirons ensemble, Elsa, les mains d'Elsa, Santa Espina, la rose et le réséda, Elsa au miroir, Charlot mystique, l'affiche rouge, un jour un jour, la belle italienne, j'arrive où je suis étranger, les yeux d'Elsa

- José Maria de Heredia : les conquérants, lsoir de bataille, le voeu, le tepidarium, le vitrail, la belle viole, l'esclave, fleurs de feu, Tranquillus

- Joachim du Bellay : heureux qui comme Ulysse, au fleuve de Loire


En plantant le chêne des Etats-Unis d'Europe

Dans le jardin de Hauteville House

Le 14 juillet 1870


Semons ce qui demeure, ô passants que nous sommes !

Le sort est un abîme, et ses flots sont amers,

Au bord du noir destin, frères, semons des hommes,

Et des chênes au bord des mers !

Nous sommes envoyés, bannis, sur ce calvaire,

Pour être vus de loin, d'en bas, par nos vainqueurs,

Et pour faire germer par l'exemple sévère

Des coeurs semblables à nos coeurs.

Et nous avons aussi le devoir, ô nature,

D'allumer des clartés sous ton fauve sourcil,

Et de mettre à ces rocs la grande signature

De l'avenir et de l'exil.

Sachez que nous pouvons faire sortir de terre

Le chêne triomphal que l'univers attend,

Et faire frissonner dans son feuillage austère

L'idée au sourire éclatant.

La matière aime et veut que notre appel l'émeuve ;

Le globe est sous l'esprit, et le grand verbe humain

Enseigne l'être, et l'onde, et la sève, et le fleuve,

Qui lui demandent leur chemin.

L'homme, quand il commande aux flots de le connaître,

Aux mers de l'écouter dans le bruit qu'elles font,

A la terre d'ouvrir son flanc, aux temps de naître,

Est un mage immense et profond.

Ayons foi dans ce germe ! Amis, il nous ressemble.

Il sera grand et fort, puisqu'il est faible et nu.

Nous sommes ses pareils, bannis, nous en qui tremble

Tout un vaste monde inconnu !

Nous fûmes secoués d'un arbre formidable,

Un soir d'hiver, à l'heure où le monde est puni,

Nous fûmes secoués, frères, dans l'insondable,

Dans l'ouragan, dans l'infini.

Chacun de nous contient le chêne République ;

Chacun de nous contient le chêne Vérité ;

L'oreille qui, pieuse, à nos malheurs s'applique,

T'entend sourdre en nous, Liberté !

Tu nous jettes au vent, Dieu qui par nous commences !

C'est bien. Nous disperser, ô Dieu, c'est nous bénir !

Nous sommes la poignée obscure des semences

Du sombre champ de l'avenir.

Et nous y germerons, n'en doutez pas, mes frères,

Comme en ce sable, au bord des flots prompts à s'enfler,

Croîtra, parmi les flux et les reflux contraires,

Ce gland, sur qui Dieu va souffler !