mardi 3 mars 2009

La chambre dorée (Théodore Agrippa d'Aubigné)

La carte du comptoir des vers s'installe dans une chambre dorée aménagée par Agrippa d'Aubigné.

La carte du comptoir des poésies, sans aucun autre commentaire, suggère aussi de parcourir ses "classiques" proposés en bas de ce poème.


Eh bien ! Vous, conseillers de grandes compagnies,

Fils d'Adam qui jouez et des biens et des vies,

Dites vrai, c'est à Dieu que compte vous rendez.

Rendez-vous la justice ou si vous la vendez ?

Plutôt, âmes sans loi, parjures, déloyales,

Vos balances, qui sont balances inégales,

Pervertissent la terre et versent aux humains

Violence et ruine, ouvrages de vos mains.

Vos mères ont conçu en l'impure matrice,

Puis avorté de vous tout d'un coup et du vice,

Le mensonge qui fut votre lait au berceau

Vous nourrit en jeunesse et abesche au tombeau.

Ils semblent le serpent à la peau marquetée

D'un jaune transparent, de venin mouchetée,

Ou l'aspic embuché qui veille en sommeillant,

Armé de soi, couvert d'un tortillon grouillant.

A l'aspic cauteleux cette bande est pareille,

Alors que de la queue il s'étoupe l'oreille,

Lui, contre les jargons de l'enchanteur savant,

Eux pour chasser de Dieu les paroles au vent.

A ce troupeau, Seigneur, qui l'oreille se bouche,

Brise les grosses dents en leur puante bouche :

Prends la verge de fer, fracasse de tes fléaux

La mâchoire puante à ces fiers lionceaux.

Que, comme l'eau se fond, ces orgueilleux se fondent,

Au camp leurs ennemis sans peine se confondent :

S'ils bandent l'arc, que l'arc avant tirer soit las,

Que leurs traits sans frapper s'envolent en éclats.

La mort, en leur printemps, ces chenilles suffoque,

Comme le limaçon sèche dedans la coque,

Ou comme l'avorton qui naît en périssant

Et que la mort reçoit de ses mains en naissant.

Brûle d'un vent mauvais jusque dans les racines

Les boutons les premiers de ces tendres épines ;

Tout périsse, et que nul ne les prenne en ses mains

Pour de ce bois maudit réchauffer les humains.


***************************************************************
Les "classiques" de la
carte du comptoir des vers :


- Edmond Rostand : tirade des nez de Cyrano de Bergerac, sept moyens de monter dans la Lune (Cyrano de Bergerac), petit chat, rois mages, l'hymne au soleil, nénuphars

- Charles Baudelaire : l'albatros, les bijoux, "j'ai plus de souvenirs que si j'avais mille ans", à celle qui est trop gaie, correspondances, je n'ai pas pour maîtresse une lionne illustre (prélude à Sarah), le soleil, toute entière, une martyre, à une dame créole, j'aime le souvenir de ces époques nues, une mendiante rousse, confession, les ténèbres,
quand le ciel bas et lours pèse comme un couvercle, le chat

- Arthur Rimbaud : le bateau ivre, le dormeur du val, voyelles, sensations, Vénus Anadyomène, chant de guerre parisien, chanson de la plus haute tour, l'homme juste, petites amoureuses, première soirée, aube, au cabaret vert (cinq heures du soir), ma Bohème, les douaniers, Michel et Christine, Marine, les mains de Jeanne-Marie, les assis, soleil et chair, tête de faune, à la musique, mouvement, jeune ménage, age d'or, ô saisons ô chateaux, les étrennes des orphelins, Bruxelles, l'orgie parisienne, les pauvres à l'église

- Joachim du Bellay : heureux qui comme Ulysse, au fleuve de Loire, cent fois plus qu'à louer on se plaît à médire, à Madame Marguerite d'écrire en sa langue

-
Louis Aragon : l'étrangère, que serais-je sans toi ?, est-ce ainsi que les hommes vivent ?, l'affiche rouge, la belle italienne, Santa Espina, chambre garnie, chambres d'un moment, nous dormirons ensemble, la rose et le réséda, un jour un jour, Charlot mystique, Elsa, Elsa au miroir, les mains d'Elsa, j'arrive où je suis étranger, les yeux d'Elsa

- Guillaume Apollinaire : le Pont Mirabeau, l'adieu, nuit rhénane, nocturne, le vigneron champenois, le chef de section, l'émigrant de Landor Road, chant de l'horizon en Champagne, acousmate, la Victoire, ô naturel désir, à l'Italie, Annie, Marizibill, dans l'abri-caverne, à la Santé

- José Maria de Heredia : les conquérants ("comme un vol de gerfauts hors du charnier natal"), l'esclave, le vitrail, soir de bataille, le voeu, le tepidarium, la belle viole, fleurs de feu, Tranquillus

- Et bien entendu, le très long et très kitsch poème acadien de H.W. Longfellow Evangéline