La paix (Sabine Sicaud)
La carte du comptoir des vers persiste dans la publication des poèmes de Sabine Sicaud, poétesse précoce et méconnue, terrassée par la maladie à l'age de 15 ans en 1928.
Pour découvrir encore plus Sabine Sicaud, rendez vous sur le site qui lui est consacré.
La carte du comptoir des poésies, sans commentaire ni explication, suggère ses "classiques" en bas de ce poème.
Comment je l'imagine ?
Eh bien, je ne sais pas...
Peut-être enfant, très blonde, et tenant dans ses bras
Des branches de glycine ?
Peut-être plus petite encore, ne sachant
Que sourire et jaser dans un berceau penchant
Sous les doigts d'une vieille femme qui fredonne ...
Parfois, je la crois vieille aussi ... Belle, pourtant,
De la beauté de ces Madones
Qu'on voit dans les vitraux anciens. Longtemps
Bien avant les vitraux, elle fut ce visage
Incliné sur la source, en un bleu paysage
Où les dieux grecs jouaient de la lyre, le soir.
Mais à peine un moment venait-elle s'asseoir
Au pied des oliviers, parmi les violettes.
Bellone avait tendu son arc ... Il fallait fuir.
Elle a tant fui, la douce forme qu'on n'arrête
Que pour la menacer encore et la trahir !
Depuis que la terre est la terre
Elle fuit ... Je la crois donc vieille et n'ose plus
Toucher au voile qui lui prête son mystère.
Est-elle humaine ? J'ai voulu
Voir un enfant aux prunelles si tendres !
Où ? Quand ? Sur quel chemin faut-il l'attendre
Et sous quels traits la reconnaîtront-ils
Ceux qui, depuis toujours, l'habillent de leur rêve ?
Est-elle dans le bleu de ce jour qui s'achève
Ou dans l'aube du rose avril ?
Ecartant, les blés mûrs, paysanne aux mains brunes
Sourit-elle au soldat blessé ?
Comment la voyez-vous, pauvres gens harassés,
Vous, mères qui pleurez, et vous, pêcheurs de lune ?
Est-elle retournée aux Bois sacrés,
Aux missels fleuris de légendes ?
Dort-elle, vieux Corot, dans les brouillards dorés ?
Dans les tiens, couleur de lavande,
Doux Puvis de Chavannes ? Dans les tiens,
Peintre des Songes gris, mystérieux Carrière ?
Ou s'épanouit-elle, Henri Martin, dans ta lumière ?
Et puis, je me souviens ...
Un son de flûte pur, si frais, aérien,
Parmi les accords lents et graves ; la sourdine
De bourdonnants violoncelles vous berçant
Comme un océan calme ; une cloche passant,
Un chant d'oiseau, la musique divine,
Cette musique d'une flotte qui jouait,
Une nuit, dans le chaud silence d'une ville,
Mozart te donnant sa grande âme, paix fragile ...
Je me souviens ... Mais c'est peut-être, au fond, qui sait ?
Bien plus simple ... Et c'est toi qui, la connais,
Sans t'en douter, vieil homme en houppelande,
Vieux berger des sentiers blonds de genêts,
Cette paix des monts solitaires et des landes,
La paix qui n'a besoin que d'un grillon pour s'exprimer.
Au loin, la lueur d'une lampe ou d'une étoile,
Devant la porte, un peu d'air embaumé ...
Comme c'est simple, vois ! Qui parlait de tes voiles
Et pourquoi tant de mots pour te décrire ? Vois,
Qu'importent les images : maison blanche,
Oasis, arc-en-ciel, angélus, bleus dimanches !
Qu'importe la façon dont chacun porte en soi,
Même sans le savoir, ton reflet qui l'apaise,
Douceur promise aux coeurs de bonne volonté ...
Ah ! Tant de verbes, d'adjectifs, de parenthèses !
Moi qui la sens parfois, dans le jardin, l'été,
Si près de se laisser convaincre et de rester
Quand les hommes se taisent ...
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Les "classiques" de la carte du comptoir des vers :
- D'autres Sabine Sicaud : douleur je vous déteste, jour de fièvre, la vieille femme de la Lune, vous parler ?, premières feuilles, la solitude, chemins de l'ouest, la grotte des lépreux
- Joachim du Bellay : heureux qui comme Ulysse, au fleuve de Loire, cent fois plus qu'à louer on se plaît à médire, à Madame Marguerite d'écrire en sa langue
- José Maria de Heredia : les conquérants ("comme un vol de gerfauts hors du charnier natal"), le tepidarium, l'esclave, soir de bataille, le voeu, la belle viole, fleurs de feu, le vitrail, Tranquillus, le bain
- Charles Baudelaire : l'albatros, les bijoux, correspondances, à une dame créole, le soleil, toute entière, j'aime le souvenir de ces époques nues,les ténèbres, je n'ai pas pour maîtresse une lionne illustre (prélude à Sarah), à celle qui est trop gaie, "j'ai plus de souvenirs que si j'avais mille ans", une martyre, une mendiante rousse, confession, quand le ciel bas et lours pèse comme un couvercle, le chat
- Guillaume Apollinaire : le Pont Mirabeau, l'adieu, nuit rhénane, Marizibill, acousmate, chant de l'horizon en Champagne, Annie, le chef de section, dans l'abri-caverne, la Victoire, nocturne, le vigneron champenois, ô naturel désir, à l'Italie, l'émigrant de Landor Road, à la Santé
- Edmond Rostand : tirade des nez de Cyrano de Bergerac, sept moyens de monter dans la Lune (Cyrano de Bergerac), petit chat, l'hymne au soleil, rois mages, nénuphars
- Arthur Rimbaud : le bateau ivre, le dormeur du val, voyelles, sensations, Vénus Anadyomène, chant de guerre parisien, les mains de Jeanne-Marie, les étrennes des orphelins, l'homme juste, Marine, petites amoureuses, aube, soleil et chair, chanson de la plus haute tour, au cabaret vert (cinq heures du soir), ma Bohème, les douaniers, première soirée, Michel et Christine, les assis, jeune ménage,tête de faune, à la musique, mouvement, age d'or, ô saisons ô chateaux, Bruxelles, l'orgie parisienne, les pauvres à l'église
- Louis Aragon : l'étrangère, que serais-je sans toi ?, est-ce ainsi que les hommes vivent ?, Santa Espina,la rose et le réséda, nous dormirons ensemble, un jour un jour, l'affiche rouge, la belle italienne, Charlot mystique, chambre garnie, chambres d'un moment, Elsa, Elsa au miroir, les mains d'Elsa, j'arrive où je suis étranger, les yeux d'Elsa
- Et, bien entendu, le kitschissime poème acadien de H.W. Longfellow Evangéline