samedi 3 octobre 2009

Le savetier et le financier (fable de crise de Jean de La Fontaine)

"Rendez-moi mes chansons et mon somme, et reprenez vos cent écus" ...

En ces temps de crise financière d'une ampleur inégalée, la carte du comptoir des vers se plait à rappeler au bon souvenir de tout le monde cette fable prémonitoire et éternelle de Jean de La Fontaine : le savetier et le financier.
Ce texte magnifique devrait être affiché dans chaque salle de marché et récité tous les matins par chaque trader !

La carte du comptoir des poésies, sans aucun commentaire, analyse ou explication de texte, propose aussi de nombreux "classiques" présentés en bas de ce poème.


Un Savetier chantait du matin jusqu'au soir :

C'était merveilles de le voir,

Merveilles de l'ouïr ; il faisait des passages,

Plus content qu'aucun des sept sages.

Son voisin au contraire, étant tout cousu d'or,

Chantait peu, dormait moins encor.

C'était un homme de finance.

Si sur le point du jour parfois il sommeillait,

Le Savetier alors en chantant l'éveillait,

Et le Financier se plaignait,

Que les soins de la Providence

N'eussent pas au marché fait vendre le dormir,

Comme le manger et le boire.

En son hôtel il fait venir

Le chanteur, et lui dit : or çà, sire Grégoire,

Que gagnez-vous par an ? - Par an ? Ma foi, Monsieur,

Dit avec un ton de rieur,

Le gaillard Savetier, ce n'est point ma manière

De compter de la sorte et je n'entasse guère

Un jour sur l'autre : il suffit qu'à la fin

J'attrape le bout de l'année :

Chaque jour amène son pain.

- Eh bien que gagnez-vous, dites-moi, par journée ?

- Tantôt plus, tantôt moins : le mal est que toujours ;

(Et sans cela nos gains seraient assez honnêtes,)

Le mal est que dans l'an s'entremêlent des jours

Qu'il faut chômer ; on nous ruine en Fêtes.

L'une fait tort à l'autre ; et Monsieur le Curé

De quelque nouveau Saint charge toujours son prône.

Le Financier riant de sa naïveté

Lui dit : je vous veux mettre aujourd'hui sur le trône.

Prenez ces cent écus : gardez-les avec soin,

Pour vous en servir au besoin.

Le Savetier crut voir tout l'argent que la terre

Avait depuis plus de cent ans

Produit pour l'usage des gens.

Il retourne chez lui : dans sa cave il enserre

L'argent et sa joie à la fois.

Plus de chant ; il perdit la voix

Du moment qu'il gagna ce qui cause nos peines.

Le sommeil quitta son logis,

Il eut pour hôtes les soucis,

Les soupçons, les alarmes vaines.

Tout le jour il avait l'oeil au guet ; Et la nuit,

Si quelque chat faisait du bruit,

Le chat prenait l'argent : à la fin le pauvre homme

S'en courut chez celui qu'il ne réveillait plus !

Rendez-moi, lui dit-il, mes chansons et mon somme,

Et reprenez vos cent écus.

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Les "classiques" de la
carte du comptoir
des vers :

- Jean de la Fontaine : le loup et l'agneau
, le cheval s'étant voulu venger du cerf


- Victor Hugo : ce siècle avait deux ans, l'an neuf de l'Hegire, demain dès l'aube, à une jeune fille

- Guillaume Apollinaire : le Pont Mirabeau, l'adieu, nuit rhénane, ô naturel désir, acousmate, dans l'abri-caverne, Annie, Marizibill, à l'Italie, chant de l'horizon en Champagne,nocturne, le vigneron champenois, l'émigrant de Landor Road, la Victoire, le chef de section, à la Santé

- Arthur Rimbaud : le bateau ivre, le dormeur du val, voyelles, sensations, Vénus Anadyomène, Bruxelles, petites amoureuses, ma Bohème, aube, soleil et chair, chant de guerre parisien, première soirée, Michel et Christine, Marine, à la musique, les assis, les douaniers,l'homme juste, les mains de Jeanne-Marie, les étrennes des orphelins, chanson de la plus haute tour, au cabaret vert (cinq heures du soir), jeune ménage,tête de faune, mouvement, age d'or, ô saisons ô chateaux, l'orgie parisienne, les pauvres à l'église

- Charles Baudelaire : l'albatros, les bijoux, "j'ai plus de souvenirs que si j'avais mille ans", une martyre, à une dame créole, le soleil, quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle, je n'ai pas pour maîtresse une lionne illustre (prélude à Sarah), correspondances, toute entière, j'aime le souvenir de ces époques nues, une mendiante rousse, confession, à celle qui est trop gaie,les ténèbres, le chat

- Louis Aragon : l'étrangère, que serais-je sans toi ?, est-ce ainsi que les hommes vivent ?, Elsa, Elsa au miroir, les mains d'Elsa, Santa Espina, un jour un jour, nous dormirons ensemble, l'affiche rouge, la belle italienne, Charlot mystique, chambre garnie, chambres d'un moment, j'arrive où je suis étranger, la rose et le réséda, les yeux d'Elsa

- Sabine Sicaud : douleur je vous déteste, jour de fièvre, la solitude, premières feuilles, vous parler ?, chemins de l'ouest, la grotte des lépreux, la vieille femme de la Lune, la paix

-
Edmond Rostand : tirade des nez de Cyrano de Bergerac, sept moyens de monter dans la Lune (Cyrano de Bergerac), petit chat, l'hymne au soleil, rois mages, nénuphars

- Joachim du Bellay : heureux qui comme Ulysse, au fleuve de Loire, cent fois plus qu'à louer on se plaît à médire, à Madame Marguerite d'écrire en sa langue

- José Maria de Heredia : les conquérants ("comme un vol de gerfauts hors du charnier natal"), l'esclave, le voeu, le tepidarium, la belle viole, le vitrail, soir de bataille, fleurs de feu, Tranquillus, le bain

- Et, aussi, le globalissime poème acadien de H.W. Longfellow Evangéline