samedi 25 avril 2009

Pensées de la reine de Navarre étant dans sa litière durant la maladie du roi (Marguerite de Navarre)

La carte du comptoir fournit aujourd'hui un poème médical de Marguerite de Valois & d'Angoulême, reine de Navarre (1492 - 1549) (voir article sur Wikipedia).
"Hâtez-vous car plus n'en puis !"


La carte du comptoir des poésies, sans plus de commentaires ou d'explications, suggère aussi des "classiques" en bas de ce poème.


Si la douleur de mon esprit

Je pouvais montrer par parole

Ou la déclarer par écrit,

Oncques ne fut si triste rôle ;

Car le mal qui plus fort m'affole

Je le cache et couvre plus fort ;

Pourquoi n'ai rien qui me console,

Fors l'espoir de la douce mort.

Je sais que je ne dois celer

Mon ennui, plus que raisonnable ;

Mais si ne saurait mon parler

Atteindre à mon deuil importable ;

A l'écriture véritable

Défaudrait la force à ma main,

Le taire me serait louable,

S'il ne m'était tant inhumain.

Mes larmes, mes soupirs, mes cris

Dont tant bien je sais la pratique,

Sont mon parler et mes écrits,

Car je n'ai autre rhétorique.

Mais leurs effets à Dieu j'applique

Devant son trône de pitié,

Montrant par raison et réplique

Mon coeur souffrant plein d'amitié.

Ô Dieu qui les vôtres aimez,

J'adresse à vous seul ma complainte ;

Vous qui les amis estimez,

Voyez l'amour que j'ai sans feinte,

Où par votre loi suis contrainte,

Et par nature et par raison

J'appelle chacun saint et sainte,

Pour se joindre à mon oraison.

Las ! Celui que vous aimez tant

Est détenu par maladie

Qui rend son peuple et mal content,

Et moi envers vous si hardie

Que j'obtiendrai, quoi que l'on die,

Pour lui très parfaite santé ;

De vous seul ce bien je mendie

Pour rendre chacun contenté.

C'est celui que vous avez oint

A Roi sur nous par votre grâce ;

C'est celui qui a son coeur joint

A vous, quoi qu'il die ou qu'il fasse,

Qui votre foi en toute place

Soutient, laquelle le rend sûr !

De voir à jamais votre face :

Oyez donc les cris de sa soeur.

Hélas ! C'est votre vrai David,

Qui en vous seul a sa fiance,

Vous vivez en lui tant qu'il vit,

Car de vous a vraie science,

Vous régnez en sa conscience,

Vous êtes son Roi et son Dieu.

En autre nul n'a confiance

Ni n'a son coeur en autre lieu.

Pour maladie et pour prison

Pour peine, douleur ou souffrance,

Pour envie ou pour trahison

N'a eu en vous moindre espérance.

Par lui êtes connu en France

Mieux que n'étiez le temps passé :

Il est ennemi d'ignorance,

Son savoir tout autre a passé.

De toutes ses grâces et dons

A vous seul a rendu la gloire,

Par quoi les mains à vous tendons

Afin qu'ayez de lui mémoire.

Puisqu'il vous plaît lui faire boire

Votre calice de douleurs,

Donnez à nature victoire

Sur son mal, et notre malheur.

Ô grand médecin tout-puissant,

Redonnez-lui santé parfaite,

Et des ans vivre jusqu'à cent,

Et à son coeur ce qu'il souhaite :

Lors sera la joie refaite

Que douleur brise dans nos coeurs ;

Dont louange vous sera faite

De femmes, enfants et serviteurs.

Par Jésus-Christ notre sauveur,

En ce temps de sa mort cruelle,

Seigneur, j'attends votre faveur

Pour en avoir bonne nouvelle.

J'en suis loin, dont j'ai douleur telle

Que nul ne la peut estimer.

Ô que la lettre sera belle

Qui le pourra sain affermer !

Le désir du bien que j'attends

Me donne de travail matière ;

Une heure me dure cent ans,

Et me semble que ma litière

Ne bouge, ou retourne en arrière ;

Tant j'ai de m'avancer désir.

Ô qu'elle est longue la carrière

Où à la fin gît mon plaisir !

Je regarde de tous côtés

Pour voir s'il arrive personne,

Priant sans cesser, n'en doutez,

Dieu que santé à mon Roi donne.

Quand nul ne vois, l'oeil abandonne

A pleurer ; puis, sur le papier,

Un peu de ma douleur j'ordonne :

Voilà mon douloureux métier.

Ô qu'il sera le bienvenu

Celui qui, frappant à ma porte,

Dira : le roi est revenu

En sa santé très bonne et forte !

Alors sa soeur plus mal que morte

Courra baiser le messager

Qui telles nouvelles apporte,

Que son frère est hors de danger.

Avancez-vous, homme et chevaux,

Assurez-moi, je vous supplie,

Que notre Roi pour ses grands maux

A reçu santé accomplie.

Lors serai de joie remplie.

Las ! Seigneur Dieu éveillez-vous,

Et votre oeil sa douceur déplie,

Sauvant votre Christ et nous tous !

Sauvez, Seigneur, Royaume et Roi,

Et ceux qui vivent en sa vie !

Voyez son espoir et sa foi,

Qui à la sauver vous convie.

Son coeur, son désir, son envie,

A toujours offert à vos yeux ;

Rendez notre joie assouvie

Le nous donnant sain et joyeux.

Vous le voulez et le pouvez :

Ainsi mon Dieu à vous m'adresse ;

Car le moyen vous seul savez

De m'ôter hors de la détresse

De peur de pis, qui tant me presse,

Que je ne sais là où j'en suis ;

Changez en joie ma tristesse,

Las ! Hâtez-vous car plus n'en puis !

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Les "classiques" de la
carte du comptoir
des vers :

- Arthur Rimbaud : le bateau ivre, le dormeur du val, voyelles, sensations, ma Bohème, les assis, Vénus Anadyomène, chant de guerre parisien, première soirée, Michel et Christine,Marine, les douaniers,l'homme juste, les mains de Jeanne-Marie, les étrennes des orphelins, chanson de la plus haute tour, petites amoureuses, aube, soleil et chair, au cabaret vert (cinq heures du soir), jeune ménage,tête de faune, à la musique, mouvement, age d'or, ô saisons ô chateaux, Bruxelles, l'orgie parisienne, les pauvres à l'église

- Charles Baudelaire : l'albatros, les bijoux, quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle, "j'ai plus de souvenirs que si j'avais mille ans", je n'ai pas pour maîtresse une lionne illustre (prélude à Sarah), une martyre, correspondances, à celle qui est trop gaie, à une dame créole, le soleil, toute entière, j'aime le souvenir de ces époques nues, une mendiante rousse, confession, les ténèbres, le chat

- Guillaume Apollinaire : le Pont Mirabeau, l'adieu, nuit rhénane, acousmate, Annie, Marizibill, à l'Italie, le chef de section, dans l'abri-caverne, chant de l'horizon en Champagne,nocturne, le vigneron champenois, ô naturel désir, l'émigrant de Landor Road, la Victoire, à la Santé

-
Edmond Rostand : tirade des nez de Cyrano de Bergerac, sept moyens de monter dans la Lune (Cyrano de Bergerac), petit chat, rois mages, l'hymne au soleil, nénuphars

- Joachim du Bellay : heureux qui comme Ulysse, cent fois plus qu'à louer on se plaît à médire, au fleuve de Loire, à Madame Marguerite d'écrire en sa langue

- Victor Hugo : demain dès l'aube

- José Maria de Heredia : les conquérants ("comme un vol de gerfauts hors du charnier natal"), l'esclave, le tepidarium, la belle viole, le vitrail, soir de bataille, le voeu, fleurs de feu, Tranquillus, le bain

- Louis Aragon : l'étrangère, que serais-je sans toi ?, est-ce ainsi que les hommes vivent ?, Santa Espina, la rose et le réséda, un jour un jour, nous dormirons ensemble, l'affiche rouge, la belle italienne, Charlot mystique, chambre garnie, chambres d'un moment, Elsa, Elsa au miroir, les mains d'Elsa, j'arrive où je suis étranger, les yeux d'Elsa

-
Sabine Sicaud : douleur je vous déteste, jour de fièvre, la solitude, vous parler ?, chemins de l'ouest, la vieille femme de la Lune, premières feuilles, la grotte des lépreux

- Et, aussi, le totalissime poème acadien de H.W. Longfellow Evangéline